Le plus spectaculaire sans doute sera pour ceux qui vous suivent: un énorme pneu de 240 remplit tout l’espace, recouvert par un garde-boue bodybuildé. On retrouve le magnifique faux réservoir qui s’étire au-dessus du massif V-Twin Revolution enchâssé dans un robuste cadre d’acier. Tout respire la force et la puissance. L’angle de chasse de la fourche impressionne, rejetant loin en avant une magnifique roue noire soulignée d’un filet rouge. Le voile plein de la V-Rod s’agrémente ici de perforations ovales. Le phare en goutte de la V-Rod laisse place à un petit phare rond surmonté d’un saute vent très rétro, à la mode café-racer. Toute la moto se recouvre d’un camaïeu de noir mat, satiné ou brillant, avec quelques touches d’alu et de chrome. Décidément, elle en jette un max, avec des gênes de café-racer, de dragster et de custom mélangés… Laissez votre Night Rod sur un trottoir et c’est l’attroupement immédiat. Personne ne reste indifférent: la plupart adorent, certains détestent, mais ils sont rares. Look radical donc, mais pas seulement. Si déjà la bête impressionne dès le premier regard, elle impressionne encore plus une fois enfourchée. Bikers approved Etonnamment basse, elle réclame toutefois des bras et des jambes qui n’en finissent pas pour atteindre des commandes avancées et un guidon très en avant. Le pilote se retrouve plié en deux, bras et jambes presque parallèles. Les "bikers" s’y retrouveront sans doute, mais guère les autres, peu habitués à une position aussi peu orthodoxe et autant éloignée des standards habituels, que ce soit supersport, GT, roadster ou trails! Pour vous donner une idée, imaginez vous au guidon d’un dragster, mais avec les pieds à hauteur de la roue avant plutôt que de la roue arrière… Longues jambes donc, longs bras aussi, mais pas seulement: il vous les faudra aussi pas mal musclés pour tourner le guidon, la faute à l’impressionnant angle de chasse. La prise en main de la Night Rod Special déroute complètement. Orienter la roue avant dans la bonne direction demande une poigne certaine, on l’a vu plus haut, passer la première demande de lancer le pied gauche tellement en avant que le pilote se retrouve jambe tendue, presque à l'horizontale, mais le plus surprenant reste à venir. Le gros pneu arrière, qui fera sans nul doute l’admiration des amateurs de customisation, n’a qu’une envie: celle de pousser la moto tout droit! La première manœuvre de demi-tour ou le premier tournant à un carrefour seront un peu chauds pour le novice, en train d'essayer désespérément de chercher un appui pour ses pieds sur des commandes tellement avancées qu’il a du mal à les retrouver! Pitié! Au bout de quelques kilomètres, on commence à s’y faire, mais on n’arrive vraiment pas à se sentir séduit pas cet exotisme made in USA. On commence à se dire que décidément, chez Harley, il y a des motos pour tous les goûts, mais que le goût du look ne rime pas automatiquement avec plaisir de conduite. Vous aurez compris que les commandes avancées n’obtiennent guère nos faveurs, hormis sur une FatBoy, ou une Electra qu’on n’imagine pas autrement et qui apportent un réel plaisir de conduire, mais nous les clouons au pilori sur un Sportster ou une V-Rod. Pareil pour les gros gommards dont semblent friands pas mal d’amateurs. Certes, ils impressionnent et ont de la "gueule" (encore que… !). C’est d’autant plus évident puisque nous pouvons comparer la Night Rod Special à la défunte Night Rod. La Night Rod Special ne se différencie de la Night Rod que par ses commandes avancées, son pneu de 240 en lieu et place du 180 et ses nombreuses (et réussies!) touches de noir. Nous avons eu un plaisir immense à conduire la Night Rod, qui nous avait parue plus aboutie et plus "caractérielle" que la Street Rod, pourtant pensée pour l’Europe. Toutes ces qualités sont gâchées sur la Special, la faute à un "boudin" qui n’a pas sa place sur cette belle moto. Il a peut-être sa place sur une création s'alignant dans un custom show, il peut se comprendre sur une moto aussi hors normes qu'une Triumph Rocket III mais il ôte ici tout plaisir à la conduite de la Special. Les commandes avancées aussi peu naturelles que possible finissent de ternir un tableau pourtant enthousiasmant par ailleurs. Ce n'est pourtant pas si difficile… Le moteur allie puissance et souplesse avec talent, reprenant sans problèmes depuis 2.000 tr/min jusqu'à 9.000, avec une arrivée franche de puissance vers 5.000 tr/min. Boîte et embrayage ne suscitent aucun reproche, hormis une légère dureté de la commande d’embrayage, alors que la transmission finale par courroie recueille tous les suffrages. L’effort du freinage est fourni par trois disques qui remplissent parfaitement leur office. Même les suspensions, malgré leurs débattements limités, n’appellent aucun reproche. Mais tout ça, on le savait depuis la présentation de la Night Rod! Notre avis? Si vous aimez plus frimer que rouler, n’hésitez pas, la Night Rod Special flattera votre ego au-delà de toute espérance, et vous serez le roi des terrasses fréquentées. Si, comme nous l’espérons, vous aimez aussi rouler, pleurez sur la disparition de la Night Rod, qui était à notre avis la meilleure déclinaison de la famille V-Rod… Espérons qu'Harley la remette au catalogue! © Bruno Wouters