Bon, d'accord, elle ne débarque pas de nulle part, cette machine! Surfant sur le Touring, le Custom, la mode Bagger, s'inspirant des petites CTX700 et de la F6B, elle pratique le grand écart entre toutes ces tendances et déboule dans la gamme, là où on attendait une nouvelle Pan European qui joue les Arlésiennes.
La CTX en profite pour "piquer" à la Pan European ce qu'elle proposait de meilleur, ce superbe V4 longitudinal, que nous sommes ravis de retrouver dans cette nouvelle machine. Bien entendu, le V4 a été profondément remanié pour mieux remplir la courbe de couple à bas régime, la puissance maximale revêtant moins d'importance dans le cas présent. L'opération passe par l'adoption d'un échappement 4 en 2 en 2, un nouveau calage de distribution, de nouveaux conduits d'injection.
La puissance chute à 84 ch à 6.000 trs/min (on vient de 126 ch à 8.000 trs/min sur la Pan!); le couple maxi baisse un petit peu (106 Nm au lieu de 126) mais il est obtenu 1.500 trs/min plus bas, à 4.500 trs/min. L'étagement de la boîte cinq est rallongé, la transmission par arbre conservée. Un large pneu arrière de 200 est chargé de transmettre la puissance au sol, le TCS (Traction Control) veillant au grain si nécessaire.
Quoi, ma gueule?
Mais c'est surtout le style de la CTX qui constitue sa spécificité. La moto reçoit un nouveau cadre à double berceau en tubes d'acier, bien éloigné du cadre périmétrique en aluminium fort décrié de la Pan. Exploitant au mieux la compacité du V4, il s'étire en longueur, de la robuste fourche inversée avec un angle de chasse généreux au large pneu arrière, offrant une assise de selle culminant à seulement 735 mm du sol. Les lignes, longues et basses, ne manquent ni de style, ni d'originalité.
Le réservoir s'élargit pour se terminer en "tête de fourche", cet ensemble s'élargit aux rétroviseurs avec une belle fluidité, et l'ensemble témoigne d'une finition irréprochable. L'éclairage est confié à des LEDs, les clignotants se fondant avec élégance dans les rétroviseurs. Les valises latérales s'intègrent bien à la poupe qui se termine par un feu à LEDs.
Basse, étirée, mais massive! En s'approchant de la bête, on se rassure en découvrant une hauteur d'assise accessible à tous, de quoi assumer plus facilement un poids tous pleins faits de 338 kg. On ressent directement cette masse conséquente en employant le déroutant guidon, large et rejeté en arrière.
Grand écart
Dès les premiers tours de roues cependant, les kilos s'envolent, par la grâce d'un centre de gravité très bas et d'une étonnante (et rassurante!) maniabilité à basse vitesse. Honda a conçu sa CTX en réponse à une demande croissante pour plus de polyvalence et de performance que ce que peut offrir un custom V2 traditionnel, sans faire l'impasse sur des aspects pratiques offerts plus communément sur des GT. Le grand écart, en quelque sorte!
"C" pour confort, "T" pour technologie (le V4, le contrôle de traction, le freinage combiné, les feux LEDs, le système audio Bluetooth…) et "X" pour eXpérience, celle d'un custom apte au tourisme. Nous, on aime bien ce mélange des genres qui génère un style décalé, ni custom, des copies de Harley, c'est bon, on a notre compte, ni GT, aussi orgueilleuse que conformiste.
Le style décalé de cette CTX cache une machine bien plus sensée et aboutie que ce qu'elle laisse présager au premier abord. La position de conduite se révèle agréable et confortable au fil des kilomètres, la carrosserie surmontée d'un petit saute-vent qui n'augure pourtant pas d'une grande protection soulage généreusement le buste de la pression du vent.
Plus GT que Custom, tant mieux!
On bouffe du kilomètre avec le même plaisir qu'au guidon d'une GT, l'univers impitoyable du custom semble loin! D'autres attributs renforcent l'esprit GT de la bête, comme les poignées chauffantes, les vides poche latéraux ou l'installation audio. Pas de radio ici, mais du MP3.
Le moteur, dégonflé par rapport à la Pan, n'a rien perdu de son agrément, bien au contraire. Force tranquille qui tracte avec vigueur dès 2.000 trs/min, le V4 ne rechigne pas à monter dans les tours, sans exploser le budget essence.
Massive, la CTX offre des prestations routières inattendues. Particulièrement rigide, elle tient son cap avec rigueur, même à des vitesses inavouables ailleurs qu'en Allemagne, tout en montrant une agilité réjouissante sur les petites routes qui le font bien, d'autant que la garde au sol, certes perfectible, permet malgré tout de s'exprimer sans immédiat rappel à l'ordre.
Rien à dire sur le freinage, puissant et facile à doser. Le confort n'avoue ses limites que lorsque le revêtement se dégrade, avec une relative sécheresse de la suspension arrière, au débattement forcément limité.
On pourra encore pinailler sur la rétrovision, en partie masquée par les réservoirs de liquide de frein et d'embrayage, ou l'ergonomie très discutable des nombreux boutons posés sur le réservoir, mais cette CTX représente une sacrée bonne surprise: osez la différence, les gars!