Visiblement, le Ready to Race est gravé dans l'ADN de la marque autrichienne, et la Super Duke GT n'y déroge pas, déclinée de la Duke R dont elle reprend l'essentiel. Un gros travail de design a été abattu de concert avec le studio Kiska Design, qui sait rendre les KTM différentes de leurs concurrentes. Voulant sans doute préserver son côté rebelle, la GT fait l'impasse sur des éléments de carénage classique.

Le gros du travail porta donc sur l'encadrement du radiateur qui se prolonge sur le réservoir redessiné, portant par la même occasion sa capacité de 18 à 23 litres. Aucune raison de laisser l'éclairage accroché au sommet de la fourche. Dorénavant accroché à la colonne de direction, il est projeté en avant et vers le bas, dégageant un espace pour logé le tableau de bord, lui aussi plus en avant. Surmontez le tout d'une bulle réglable et vous avez un habillage GT, tel que le conçoivent le staff KTM et le studio Kiska. Après, des goûts et des couleurs…

Design

Certes, on ne peut dénier à cette GT une certaine originalité et un style typé KTM, mais l'ensemble réservoir – écopes de radiateur ne brille pas par une légèreté visuelle aussi convaincante que sur la balance. Restons dans le jeu des différences, avec un guidon un poil plus large et plus haut et réglable en quatre positions (avec poignées chauffantes, dans la dotation d'origine), une boucle arrière renforcée et rallongée, histoire de ménager un peu plus de place pour le passager, histoire aussi d'intégrer, et de fort belle manière les fixations des valises disponibles en option. La selle se veut plus attentive au confort des fessiers qu'elle accueille, les repose-pieds sont discrètement repositionnés. Ca, c'est pour ce qui se voit.

Une définition GT (encore que KTM semble donner un sens très personnel à cette appellation!), implique un caractère moteur différent de celui d'un teigneux roadster comme la "R". L'objectif reste partout le même: perdre un minimum de caractère, étaler la plage de couple, avec en prime la contrainte du passage à l'Euro4. Résultat, 173 ch et 144 Nm de couple.

ADN KTM

Le bloc LC8 hérite des culasses de la Super Adventure, arbres à cames inclus, se pare d'un nouveau collecteur d'admission et d'un nouveau vilebrequin, d'un échappement et d'un mapping d'injection spécifique. KTM ne pleure pas sur l'électronique, omniprésente sur la GT.

Citons en vrac le ride-by-wire qui permet les trois modes de conduite (sport, street et rain, auxquels correspondent aussi des réglages spécifiques de l'antipatinage), l'antipatinage MTC et le C-ABS combiné, reliés à la centrale inertielle MSC qui tient compte des angles d'inclinaison de la machine, le contrôle de la pression des pneus TPMS, le quickshifter qui ne permet hélas que de monter les rapports à la volée, mais pas de les redescendre, et enfin, mais en option, l'assistance au démarrage en côte HHC, et l'antidribble MSR qui agit sur le régime moteur pour éviter de bloquer la roue arrière lors d'un rétrogradage un peu trop viril.

Nous ne serions pas complet sans citer le régulateur de vitesse, le retour automatique des clignotants ou l'éclairage en virages via les LEDs intégrées dans les flancs du radiateur. C'est tout? Ben non, il faut aussi vous parler des suspensions semi-actives, héritées de la Super Adventure, mais adaptées ici à l'usage plus sportif et aux débattements réduits de la GT.

GT, vraiment?

Bardé de capteurs qui mesurent les mouvements de la moto et des suspensions, le système ajuste en continu les réglages des suspensions suivant les trois modes préalables qui sont proposés (sport, street et confort). Bref, il y a du taf et ça se répercute sur le tarif: 17.995 hors les options, dont font partie les valises.

Avec une hauteur de selle à 835 mm, les plus petits d'entre nous ne seront guère à la fête. Malgré un guidon retouché, la position reste plutôt typée roadster. La moto reste fine au niveau des genoux, mais ceux-ci se lasseront sans doute d'être fort repliés lors de longues randonnées.

Temps clément à Palma de Majorque, nous ne vous parlerons pas des bienfaits du mode rain qui limite la puissance à 100 ch, ni de la protection aux intempéries. Celle-ci risque bien de se révéler fort limitée: on se prend encore bien le vent sur le buste.

On sent déjà poindre le positionnement un peu optimiste de cette machine dans un segment GT plutôt attentif à choyer le client en ce domaine. Et ça se confirme à la conduite. Les mots lâchés par le staff KTM lors de la présentation de la veille nous giclent à la figure aussi vite que les virages: "ready to race", "hooligan" "you need fucking power"… Ils ne nous ont pas menti!

Ben non, pas vraiment…

GT, vous dites?!? Là, par contre, difficile de les suivre! La Super Duke GT reste avant tout une Super Duke! Alors oui, elle offre un semblant de protection, plus d'autonomie et un certain confort. Mais elle garde aussi un "fucking" caractériel bouilleur, qui ne demande qu'une chose, envoyer des watts, et qui ne déteste rien tant que de rouler calmos. Il se montre dans ce cas de figure rugueux, râpeux, rétif aux basses rotations. Les limitations à 30 ou 50 km/h? Un supplice! SST (super sport tourisme) lui eut sans doute mieux convenu!

Le mode sport permet au bloc de s'exprimer sans filtre, mais le mode street, plus policé, ne lui enlève rien de son tempérament. Idem pour les suspensions. Le mode sport handicape le confort, bien réel en mode street. Le mode sport convient peu à l'esprit GT, le mode confort bien peu au caractère de la GT.

Pour qui?

Perso nous avons préféré le mode street pour le moteur et les suspensions, le meilleur compromis sans doute pour exploiter les exceptionnelles capacités sportives de ce streetfighter déguisé, sans le payer au niveau du confort, bien réel, d'autant que notre moto héritait de la selle confort, moelleuse à souhait. Elle héritait aussi du pot Akrapovic, et ça, c'était moins drôle pour les oreilles!

Audacieux pari que joue KTM avec cette GT qui n'en a que le nom. Nous ne lui voyons guère de concurrentes. Aussi joueuse, rigoureuse et efficace que les streetfighters les plus burnés, elle offre en prime une protection relative, une possibilité d'emport qui ne ruine pas la ligne valises déposées, un réel confort de suspension et un équipement pléthorique qui se paie hélas au prix fort comparé à un roadster.

Le danger d'un slogan

Les habitués du segment GT risquent fort de ne pas s'y retrouver. Le confort et la protection n'approchent pas les standards du genre; l'agrément moteur, qui ne s'exprime que couteau entre les dents mais rechigne aux rythmes plus apaisés avec des vibrations trop présentes et une allergie aux basses rotations, s'en éloigne aussi.

Ses seules vraies concurrentes se retrouveraient plutôt dans le segment des gros trails routiers et sportifs, genre Multistrada ou S1000XR, plus volumineux mais plus polyvalents, ou quelques sport-tourisme, comme la Kawa Z1000SX et la R1200RS, sans doute plus conciliantes au quotidien. Restent les nostalgiques de la KTM SMT… Question subsidiaire: pendant combien de temps encore KTM va-t-il pouvoir articuler toute sa communication (et ses produits!) autour d'un slogan politiquement de plus en plus incorrect, voire même suicidaire en ces temps d'absolue répression routière?...