La petite a de qui tenir, puisqu'elle succède à la cultissime SV650, née en 1999 pour (déjà!) tailler des croupières aux Ducati Monster. Mamie a fait mieux que de la résistance, inutile de préciser que Suzuki ne pouvait pas se louper pour sa remplaçante, d'autant que nombreuses sont les prétendantes dans la catégorie. Kawasaki a refondu ses brillantes ER-6, Ducati a enfanté la Monster 696, Yamaha a ressuscité une attrayante Diversion flanquée de sa convaincante "naked" XJR… La Gladius abandonne le cadre en alu pour revenir à un treillis, tubulaire en acier, bizarrement garni latéralement de caches en plastique imitant des platines en alu mises à la mode sur d'autres motos. Ces caches un peu "mastoc" amorcent les platines supports des repose-pieds avant et arrière qui, elles non plus, ne font pas dans le discret… Continuons la critique en restant doucement dubitatif devant le pot d'échappement noir à double sortie, recouvert d'une protection chromée, fort massif lui aussi et semblant plus échappé d'un scooter que d'un roadster. L'option choisie par Kawasaki ou Yamaha nous paraît plus judicieuse.

Charmeuse

Dommage, car pour le reste, la Suzuki arbore une ligne très réussie, toute en courbes et en rondeurs, magnifiquement portée par un choix de coloris aussi réussis qu'audacieux, sauf sans doute pour notre moto d'essai, intégralement parée d'un noir triste et sévère. Les importateurs devant commander leur stock de motos avant de les avoir vendues, ils ne sont pas toujours prêts à prendre tous les risques! La Belgique fait ainsi l'impasse sur la Gladius noire et jaune, pour ne retenir que la rouge et blanche, la bleue et blanche et la noire de notre essai. La Gladius prend tout son sel avec ses coloris audacieusement rafraîchissants et fort réussis. Le cadre et les roues participent à l'effet d'ensemble et donnent en finale des motos très différentes: la rouge et blanche se pare d'un cadre et de roues anodisées or, tandis que la bleue et blanche possède un cadre bleu et des jantes noires. Le phare, bien dans l'air du temps depuis l'apparition de la MV Brutale, donne l'illusion d'être suspendu à deux platines alu et se voit surmonté d'un tableau de bord comme on les aime, compact et lisible, avec un grand compte tour analogique et un compteur digital. Indication de la vitesse engagée, très pratique, nombreux témoins, mais pas de jauge à essence.

L'attrait du twin

La selle bi-ton, assez jolie, surplombe un support de plaque qui fera comme toujours le bonheur de l'after-market, et offre une position de conduite naturelle et intuitive. Le moteur, étroitement dérivé des SV650 ou de la DL650, donne ici le meilleur de lui-même. Extrêmement pétillant, plein de bonne volonté et bien rempli, il fait merveille. Même sur les plus hauts rapports, il accepte avec entrain de reprendre dès 2.500 tr/min, pour monter gaiement jusqu'à la zone rouge, soit une plage d'exploitation conséquente. Le moteur dégage un agrément certain, tant il se montre rempli à tous les régimes. Pas de panique, vous ne risquez pas de vous sentir dépassé par la puissance, la Gladius ne cube que 650cc, mais jamais vous n'aurez le sentiment de vous traîner ou de vous ennuyer! Une réussite, vraiment. Le châssis sent un peu l'économie de moyens, il n'est que de regarder le bras oscillant bien modeste, ou de goûter aux suspensions, trop sèches sur les défauts de revêtements à basse vitesse.

Proposition attrayante

À rythme plus soutenu, ça va mieux, alors qu'à très haute vitesse, la tenue de cap manque un peu de rigueur. Rien de rédhibitoire, mais on sent le train avant délesté et nerveux. Ce n'est de toute façon pas la tasse de thé de la Gladius, une pure "naked" qui ne vous épargne pas du vent, mais la XJ6 fait mieux en de pareilles circonstances. Rien à redire question maniabilité, la Gladius se laisse mener avec facilité en ville et sur les parcours sinueux. Bonne position de conduite, moteur rempli à tous les régimes, gabarit mesuré, bonne géométrie, tous les ingrédients sont réunis pour distiller du plaisir au guidon de la SFV, que son pilote soit débutant ou chevronné. Le freinage nous a un peu laissé sur notre faim: son manque de mordant nécessite de déployer un réel effort pour obtenir un freinage appuyé. L'ABS devrait apparaître dans un avenir proche. Au bilan, voici une petite moto joliment dessinée à quelques maladresses près, nantie d'un moteur réunissant toutes les qualités, dotée d'un comportement facile et plaisant, à laquelle on ne pourra reprocher qu'une finition perfectible et un prix trop élevé par rapport à ses concurrentes directes. À 6.930€, elle se situe 600€ au dessus d'une XJ6 ou d'une ER6-N, qui toutes deux ne manquent pas d'arguments non plus!