Le premier contact avec la bête impressionne toujours autant. Dame, avec plus de 370 kg tous pleins faits et 2m50 de long, le contraire serait étonnant. En détaillant un peu notre roadster, on ne voit que cet "hénaurme" moteur, avec du côté droit ce surprenant collecteur d’échappement, tandis que du coté gauche le réservoir d’huile affiche un ostentatoire 140 cubic inches, histoire de lever toute ambiguïté! On continue l’examen en découvrant un boudin de 150/80x17 à l’avant et un intimidant 240/50x16 à l’arrière. Les éléments de carrosserie de notre Rocket III étaient recouverts de noir mat, tout comme l’imposant bloc moteur et la fourche, conférant définitivement à cette variante Roadster une présence des plus crapuleuses.

Démesure

Pas à dire, la Rocket III ne passe pas vraiment inaperçue, et sa démesure lui va particulièrement bien! Cette nouvelle définition "Roadster" semble d’ailleurs la plus homogène et cohérente de la gamme Rocket III. D’ailleurs Triumph l’a bien compris, puisque le Roadster remplace la Rocket "standard" et la Rocket Classic, ne laissant plus au catalogue que la Touring aux côtés de la petite (!) dernière. La bonne nouvelle, c’est que le Roadster est proposé à 16.790 € avec l’ABS de série, alors que les Rocket III et Classic étaient proposées au tarif beaucoup plus élitiste de 18.770 et 19.990 €. Certes, le Roadster n’est pas à la portée de toutes les bourses, nous pouvons cependant vous assurer que vous en aurez pour votre argent, tant en poids qu'en sensations!

Différences

Mais voyons ce qui le différencie des autres Rocket. Les nouveaux pots "tromblons" rappelant ceux de la Thunderbird sautent immédiatement aux yeux et apportent presque à eux seuls le supplément de puissance (8ch) et de couple (24 Nm). Les autres modifications concernent la position de conduite, avec une selle réhaussée de deux centimètres et des repose-pieds ramenés en arrière, avec pour corolaire de rendre la conduite plus orthodoxe. Le reste tient plus du cosmétique, avec de nombreuses pièces d’accastillage sobrement noircies, rendant le roadster plus brutal, certes, mais aussi plus sobre et homogène. Triumph aurait pu aller encore plus loin, la retenue de l'usine permettra aux préparateurs les plus talentueux d’en tirer la quintessence, nous pensons plus particulièrement à Mecatwin, le faiseur de Montargis, qui possède dans son catalogue une "Rockeeter" à tomber.

Contact

Trêve de bavardage, il est temps d’enfourcher le monstre. Et de fait, son gabarit risque d’intimider ceux qui n’ont jamais posé les fesses sur une moto de cette taille. Heureusement la selle large mais pas trop haute permet de bien poser les pieds à terre et, si le guidon est large, il tombe naturellement sous les mains. La moto s’ébroue sur un filet de gaz, montrant dès les premières rotations une incroyable souplesse lui permettant de reprendre depuis le ralenti. Quelques kilomètres seront bien utiles pour s’habituer au poids et au format plutôt hors normes de la Rocket III, et aideront le pilote à prendre confiance en lui. Les premiers virages surprennent malgré tout: les gros pneus demandent un certain effort pour la mise sur angle. Rien de rédhibitoire, l’équilibre naturel de la Rocket III et son châssis, d’une rigidité jamais mise en défaut, mettent rapidement en confiance.

Moteur

La Rocket apporte alors un agrément de conduite intense et décalé, par la grâce d’un moteur extraordinaire et d’un châssis lui permettant de s’exprimer. Car le cœur de la Rocket est bien cet incroyable moteur au couple époustouflant. Capable de reprendre dès le ralenti, il permet de jouer de la poignée de gaz sans devoir jouer de la boîte, au demeurant sans reproches. Ce couple omniprésent est soigneusement canalisé par les ingénieurs de Triumph, puisqu’il est réduit sur les trois premiers rapports (ah bon?!) et que la puissance est limitée sur le cinquième rapport, tout comme la vitesse maxi, plafonnée à 200 km/h, ce qui laisse un peu de marge aux préparateurs et à des clients sérieusement "burnés"! L’habitude aidant, on en vient à regretter que les repose-pieds n’aient pas encore reculé de quelques centimètres supplémentaires et qu’ils limitent autant la garde au sol.

Les limites

Un peu frustrant, mais peut-être n’est-il pas inutile de bénéficier de ces témoins d’alerte, car si la Rocket III fait preuve d’évidentes qualités routières, son poids et son encombrement ne lui autorisent pas le comportement qu’offrent les roadsters classiques. On le sent lors d’un ralentissement appuyé au niveau du freinage, rendu heureusement rassurant par l’ABS de série, et du travail de la fourche, qui déguste en plongeant généreusement. Bien peu de choses en somme, et nous avons rendu la Rocket III avec regret, tant elle a su se montrer attachante tout au long de notre essai!