La marque anglaise s'est bâti une belle réputation sur le caractère affirmé de ses triples, qui allient l'allonge d'un quatre cylindres au tempérament d'un twin. Le meilleur des deux mondes, qu'on retrouve de fort belle manière dans ce tout nouveau moteur que reprendra d'ailleurs la nouvelle Triumph Trophy (qui vise la … R1200RT!). Le bloc de 1215cc développe 137ch et offre un couple de 121Nm. Merveilleux d'agrément, il cumule toutes les qualités pour une machine de ce genre. Extraordinairement rempli à tous les régimes, d'une souplesse remarquable, il reprend dès le ralenti, ou presque, jusqu'à la zone rouge, avec une vigueur que lui envieraient bien des quatre cylindres. Le solide caractère se voit complété d'une parfaite éducation. Jamais de violence, mais une franche efficacité, doublé d'une disponibilité de tous les instants. Un vrai bonheur à l'usage, ce trois pattes, d'autant qu'il est accompagné d'une transmission secondaire sans défauts. Boîte précise et douce, qui autorise des passages à la volée, et transmission par arbre complètement transparente, à faire pâlir de jalousie n'importe quelle BMW! Triumph a fait du bon boulot avec ce cadran dont on ne devine absolument pas la présence à la conduite. Aucune réaction parasite, aucun bruit: de la belle ouvrage!

Inspiration assumée

Le reste de la moto fait preuve de moins d'originalité. L'habitué d'une GS ne risque guère d'être dérouté. De nombreux éléments en effet semblent s'en inspirer directement. Le style high-tech, bien sûr, avec son cadre tubulaire apparent et un assemblage compliqué d'éléments disparates composant la carrosserie, du réservoir au "nez de canard" surplombant la roue avant, mais aussi la bulle qui semble avoir été moulée sur l'élément BMW, la selle en deux éléments, réglable en hauteur avec le même procédé que sur la GS, l'élément arrière avec accroche des valises, le porte-paquet avec ses poignées de maintien similaires, la liste est longue! Certes, tous ces éléments ont fait leur preuve, mais on aurait aimé un peu plus d'originalité…

Sur la route des vacances

Quoi de mieux pour tester une telle machine qu'un petit voyage? Aussi tôt dit, aussi tôt fait: quelques mails échangés avec des amis éparpillés en France, un week-end à rallonge et nous voilà partis, destination Angoulême et sa région, avec une escale au Mans. Nous remplissons rapidement les deux valises et le top-case, particulièrement accueillants et d'une facilité extrême à manipuler. Amusant, toute la bagagerie est montée "souple" pour améliorer la tenue de cap. Notre passagère s'en plaindra, ne pouvant appuyer son dos contre le top-case qui n'arrête pas de bouger! Par curiosité, nous nous sommes amusés à peser nos bagages: 44kg au total des trois éléments. À peine partis, nous nous arrêtons sous un pont pour enfiler les combines de pluie! Été pourri! Heureusement, ça ne dure pas, mais le ciel reste menaçant. Bizarre: sous une certaine lumière apparaissent des reflets irisés dans la bulle, nous avons vraiment l'impression de voir sur la route mouillée des traînées de gasoil! Nous avons décidé de tracer par Rouen puis Evreux au plus rapide, avant de parcourir les départementales jusqu'au Mans.

Prudence est mère de porcelaine

La France, ses radars, ses pandores et ses jumelles nous ayant déjà coûté une pêche, nous bénissons la présence d'un cruise-control que nous ne cessons d'utiliser, même sur les départementales! Un cruise-control bienvenu, mais perfectible: il ne se déclenchait pas lors de légers freinages, mais une bosse sur la route, et donc un infime mouvement du poignet suffisait à le couper…crispant à la longue. Autre motif d'irritation (ces journalistes: jamais contents!) le tableau de bord déborde d'informations, qui se commandent heureusement depuis le guidon. Pas de pot, le pavé digital n'en affiche qu'une à la fois! Il faut donc choisir entre l'autonomie restante, la consommation moyenne, le kilométrage parcouru, la température extérieure, … l'afficheur n'indiquant à la fois que la vitesse, l'heure (faut de bons yeux!), la jauge à essence, la température du moteur, le rapport engagé, et Une info complémentaire. Au moins, l'info se trouve au bout du pouce, c'est déjà un fameux progrès. Le warning est par contre rejeté sur le tableau de bord, un petit bouton noir vraiment discret: on ne l'a remarqué qu'à la fin de notre essai!

Les rillettes, les 24 heures et Cyrano de Bergerac!

Sur autoroute, la Tiger semble pouvoir avaler les kilomètres indéfiniment avec un petit 4.500 trs/min à 130 km/h et une zone rouge à 10.000 tr/min! Bonne position de conduite, avec une selle confortable et réglable en hauteur, bonne protection aussi avec la bulle et les coques au guidon. Seuls les pieds restent relativement exposés. La hauteur de selle reste raisonnable, de quoi se sentir à l'aise pour manœuvrer le bestiau qui pèse malgré tout un certain poids (260 kg), avec un centre de gravité assez haut. Revers de la médaille sur de longues étapes, on aimerait avoir les genoux moins pliés; pas de panique, ce n'est guère mieux ailleurs! Nous arrivons enfin au Mans, chez un ami motard qui a succombé aux charmes d'une 911 cabrio presque trentenaire avec laquelle il nous fait découvrir les attraits de sa ville. Nous découvrons alors, avec beaucoup de honte, que Le Mans ne se résume pas aux 24h et aux rillettes, mais que le vieux centre sert régulièrement de décor aux tournages de films de cape et d'épée (comme l'homme au masque de fer, Cyrano de Bergerac, le Bossu ou Molière).

Après l'effort, le réconfort

Une splendeur, et un solide goût de "revenez-y"! Le lendemain, même ciel triste et maussade, mais une jolie route passant par Saumur, Thouars, Parthenay, Saint-Maxent-l'Ecole, Melle, Aigre et enfin Angoulême, le temps de se remplir les yeux de jolis paysages, de vieilles pierres, de villages charmants. Le temps aussi de se dire que, décidément, prendre son temps en empruntant les petites routes donne aux voyages une autre saveur que les soporifiques autoroutes! En prime, la moto permet de se faufiler dans les villes, de s'arrêter n'importe où, de faire demi-tour pour revoir ce château qui avait l'air si joli… Journée de farniente chez nos amis angoumoisins, le ciel vire au beau, le jardin et la piscine nous tendent les bras après deux jours passés sur la Tiger Explorer. Nous repartons le lendemain, valises déposées, à la découverte de quelques paysages de Charente jusqu'à Saint-Simon, sur les rives de la Charente, à mi-chemin d'Angoulême et de Cognac.

Marins d'eau douce

Étonnamment, ce petit village endormi possède un passé maritime particulièrement riche, avec de nombreux charpentiers qui y fabriquaient les gabares, ces bateaux à fond plat transportant le sel, les canons et le cognac. Saint-Simon devient même au XIXème siècle le centre de construction de gabares le plus important de tout le fleuve. L'arrivé du train entraînera le déclin des transports fluviaux, transformant Saint-Simon en délicieux petit village assoupi, accueillant maintenant les plaisanciers. Un délicieux repas rythmé par l'amitié, la bonne chère, les boissons locales, émaillé de débats allant de Saint-Simon à l'Europe, de la moto au silure, ce poisson d'un mètre cinquante qui hante les berges, face à la maison de nos hôtes, clôt cette merveilleuse journée. Les meilleurs choses ont une fin, nous remontons dès le lendemain au plus rapide vers Tours, sous un ciel vierge de tout nuage (on ne se rappelait plus bien, mais ça s'appelle l'été!), avant de prendre par la vallée de la Loire, histoire de jeter un coup d'œil à quelques châteaux comme Chenonceau, Cheverny ou Chambord, avant de faire halte à Orléans.

L'heure du bilan

Nous reprenons ensuite le chemin des écoliers jusqu'à Dourdan, au Sud de Paris, pour affronter les embarras parisien et un périphérique chargé malgré les vacances. L'heure de pointe, sans doute. Verdict à la fin de notre périple? Que du bon! Notre Explorer s'est montrée aussi à l'aise sur l'autoroute que sur les petites routes de Charente, sur les bords de Loire comme sur le périphérique parisien. Le moteur excelle dans tous les régimes, la partie cycle n'avoue aucune faiblesse. L'équipement généreux (en série ou en option) devrait satisfaire les plus exigeants, la consommation sur plus de 2.000km s'est établie à six litres au cent, à deux, avec bagages. En rythme calme, elle peut descendre à cinq litres. A vitesse soutenue (en Allemagne! En France, on n'a pas osé!) elle peut monter à sept litres, sept litres et demi. Bilan extrêmement positif à l'usage donc! Même le poids, bien réel, et le centre de gravité haut perché ne nous ont guère posé de problèmes. La moto une fois en mouvement, son équilibre fait merveille, et nous n'avons jamais eu la moindre angoisse à effectuer un demi-tour sur une petite départementale. L'Explorer n'atteint pas l'agilité étonnante d'une 1200GS, subit l'inconvénient d'une fourche classique qui plonge au freinage en entraînant un transfert de masse, mais rien qui puisse entacher la satisfaction de son propriétaire. Une moto bien née et qui devrait en ravir plus d'un, d'autant qu'elle offre de série, pour 14.690 €, l'ABS, l'antipatinage, le cruise-control, l'ordinateur de bord, et qu'elle propose en option de nombreux équipements bien utiles, dont les poignées et la selle chauffante!