Seule réelle nouveauté du constructeur japonais présentée à l'automne 2012, la FJR a bien du mal à tenir dans ce costume "marketing" trop grand pour elle. Et pourtant, à défaut de se targuer de réelle nouveauté, la FJR évolue pourtant plus qu'il n'y paraît. On pourrait d'ailleurs disserter longuement sur les différentes options qui s'offrent aux constructeurs en matière de nouveautés.
Certains partent d'une feuille blanche, créant de nouveaux concepts, comme Honda avec sa triplette de moyennes cylindrées à boîte DCT, d'autres redessinent leur best seller de A à Z, de sorte qu'il n'y ait plus un boulon commun (ou peu s'en faut!), sans que cet immense travail saute aux yeux pour autant: la nouvelle BMW GS reste bien une GS, et, que le possesseur d'une GS liquide nous pardonne, le béotien n'y verra pas trop la différence!
La voix de la raison
Yamaha a de son côté choisi de faire progresser sur différents niveaux une machine bien née. Certes, la FJR ne règne pas sur son créneau avec le prestige et le succès d'une GS: BMW en repensant son icône de fond en comble assomme tous ses poursuivants, un propos que Yamaha n'avait pas à tenir avec sa GT.
La FJR 2013 reçoit un carénage mis au goût du jour, avec des lignes plus tendues, des flux d'air optimisés, de nouvelles optiques héritant des incontournables LEDs, de nouveaux clignotants LED élégamment intégrés. Un travail subtil, mais qui ne saute pas vraiment aux yeux. Dans la foulée, la bulle électrique évolue aussi. Sa forme et son mécanisme électrique changent: moins de remous d'air et un mécanisme simplifié, allégé et plus rapide.
Des évolutions à tous les niveaux
Le châssis reçoit aussi son lot d'évolutions: la fourche reçoit de nouveaux composants internes plus légers, le tarage des ressorts est modifié. L'amortisseur arrière voit ses caractéristiques d'amortissement et de tarages optimisés. La béquille centrale, différente, rend le béquillage bien plus aisé qu'auparavant.
Le moteur n'échappe pas à l'attention des ingénieurs. La commande de gaz hérite du système électronique maison, baptisé YCC-T, ce qui permet à Yamaha de proposer deux cartographies sur sa FJR. Autre bonus électronique, et pas vraiment inutile sur ce genre de machine lourde et puissante, le traction control fait son apparition. Le système intervient sur le calage de l'allumage et l'ouverture des gaz. Pour faire bonne mesure arrive aussi un cruise-control, particulièrement facile à utiliser.
Dans la foulée, les ingénieurs ont revu les corps d'injection et l'échappement qui ne comptent plus que deux catalyseurs au lieu de quatre. Le bloc cylindres troque ses chemises contre un revêtement céramique, une technologie développée pour les sportives de la marque.
Equipement généreux
Notons encore le nouveau tableau de bord en trois parties, avec le compte-tours analogique à gauche, le compteur de vitesse digital au centre et un pavé numérique multifonctions à droite. Les nouveaux commodos gèrent les nombreux équipements de la FJR. Celui de gauche permet de basculer aisément d'un mode de cartographie à l'autre, celui de gauche permet via deux boutons de naviguer parmi différents menus et réglages (bulle électrique, poignées chauffantes, affichage des différents écrans de l'ordinateur de bord parmi lesquels on trouve les trips, les consos, l'autonomie ou encore les températures.
Une GT ne serait pas une GT sans ses valises, et la FJR ne faillit pas à la règle. Ses deux valises, soigneusement intégrées se manient avec facilité et se (dé)posent en un tournemain. Capables d'accueillir un intégral, elles pêchent toutefois par un volume mesuré et tourmenté: y glisser un laptop relève du défi! Heureusement, le petit porte-paquets peut recevoir en option un top-case.
Accessoirisée
Notre FJR se voulait la vitrine du département accessoires de la marque, avec quelques équipements précieux pour l'usage grand tourisme à laquelle cette machine se destine: une bulle haute, des déflecteurs de pieds, des protections anti-chute et des déflecteurs de mains. On en viendrait presque à regretter d'avoir échappé à la pluie durant notre essai! La bulle haute, en position relevé, protège parfaitement et ne crée pas de dépression poussant le pilote vers l'avant.
En position basse, par contre, elle occasionne des remous bruyants dans le casque. Pas de souci lors de la prise en mains: position naturelle, en très léger appui sur les poignets, selle à hauteur raisonnable (réglable en hauteur, la selle), tout concourt à se sentir à l'aise, hormis le poids malgré tout conséquent inhérent à ce type de machine (289 kg tous pleins faits). Les commandes douces et le moteur policé renforcent le sentiment de confiance.
L'appel du bitume
Nous ne jouerons pas longtemps avec le choix de cartographies: le mode "T" adoucit trop la réactivité du moteur: inutile, d'autant que l'antipatinage, transparent, fait très bien son boulot. Le mode "S", bien plus sympa, permet d'exploiter au mieux la moto, sans pour autant la transformer en machine de course. Le bloc 1300, remarquablement élastique, offre une plage qui court du ralenti à la zone rouge, soit de 1.000 à 9.000 trs/min!
Si la puissance est bien là (146 ch), à aucun moment elle ne se déchaîne, et le couple maxi haut placé (138 Nm à 7.000 trs/min) vous poussera à rentrer les rapports pour de plus franches relances. A régime constant, le quatre pattes distille d'infimes vibrations dans le guidon, une caractéristique ressentie sur les précédentes versions. La transmission n'appelle aucune remarque, un gage de qualité. Le freinage, efficace, nous a d'abord déçu par son manque de mordant. La prise en mains d'une autre machine nous a immédiatement rassuré: le mordant est bien au rendez-vous! Notre machine avait sans doute les plaquettes légèrement glacées.
Impériale
Rien à dire pour le comportement. Les suspensions, basiques en regard des sophistications électroniques de plus en plus présentes, même sur cette machine, ou plus exactement sur sa sœur à embrayage piloté, la FJR 1300 AS, offrent à la FJR un excellent comportement, doublé d'un confort très "GT". Seule notre passagère a trouvé la place dévolue au passager chichement comptée, surtout pour les jambes et les pieds: ses mollets calés contre l'avant des valises, ses pieds entrent en contact avec ceux du pilote lorsqu'il pose la plante des pieds sur ses repose-pieds.
A propos de comportement, nous n'avons pas roulé avec le même empressement que les policiers qui nous ont précédé au guidon de cette machine: ils ont quasiment pulvérisé les repose-pieds à force de les limer au sol! Cet enthousiasme reflète bien la qualité du comportement routier. Malgré son âge, la FJR reste une des GT quatre cylindres parmi les plus agréables à mener. Et les amateurs d'autobahn pourront débouler poignée dans le coin: la FJR garde son cap imperturbablement, même avec ses valises! A ces vitesses là, le réservoir se videra sans doute un peu plus vite: pour notre part, et sans chômer pour autant, la consommation moyenne s'est stabilisée à 6,1 L/100km, soit une autonomie respectable de 350 km avant réserve (± 70-80 km).
Sans esbroufe, sans tapage, la FJR a su évoluer au cours de son existence par petites touches. Pourquoi en effet remettre en question un produit aussi abouti? Par goût de la nouveauté à tout prix? Ce n'est vraiment pas nécessaire…