Bon, d'accord, les pointilleux me feront remarquer que la première XJR1300 n'est apparue qu'en 1998, mais ce gros roadster n'était jamais que le successeur de la XJR1200 de 1995, à l'époque déjà une néo-rétro s'inspirant des superbikes de la fin des années '70, début des années '80! Tout ça ne nous rajeunit pas et la XJR, de réplique néo-rétro, est finalement devenue une vraie classique!
Alors, certes, de 1995 à aujourd'hui, le gros quatre pattes nippon n'a pas cessé d'évoluer par petites touches, mais jamais fondamentalement.
Evolutions discrètes
Petit coup d'œil dans le rétroviseur… Fin 98, donc, apparition de la 1300 avec augmentation de la cylindrée de la XJR1200, qui passe de 1188 à 1251 cc. Très vite apparaît la version SP, reconnaissable à ses amortisseurs Öhlins.
Premières grosses évolutions pour le millésime 2002, avec un échappement quatre-en-un, des carburateurs de plus gros diamètre, tandis que les jantes, le bras oscillant et l'habillage évoluent discrètement, avec un gain de six kg sur la balance.
Nouvelle évolution en 2007 avec l'abandon des carburateurs au profit d'une plus moderne injection et d'une valve EXUP à l'échappement pour répondre aux normes Euro3. La XJR poursuit année après année son petit bonhomme de chemin, pour se voir dépoussiérée esthétiquement à l'automne 2014.
Un regard extérieur
Yamaha a en effet entrepris une grande opération baptisée Yard Built pour dépoussiérer ses vieux classiques et les mettre sous les feux des projecteurs en surfant sur la mouvance des préparateurs de tous poils dictant une partie de la mode aujourd'hui.
Opération réussie pour le gros quatre pattes qui se la joue dorénavant plus café-racer, avec un réservoir allongé et aminci, une selle qui se donne des airs monoplace, et de splendides plaques numéro en alu qui remplacent les lourds caches latéraux. Une boucle arrière raccourcie, un plus petit phare et ses pattes "racing" et un échappement noir complètent un dispositif qui encanaille magnifiquement la XJR, sans pour autant la trahir! Bon plan que de s'appuyer sur la collaboration des grands noms de la prépa, comme les Wrenchmonkees, Deus Ex Machina ou Keino, pour ne citer que ceux-ci!
S'il fallait pinailler
Quelques bémols, malgré tout: le pot nous semble démesurément long et le support de plaque monté sur notre machine (une option piochée dans le catalogue des accessoires, tout comme la sangle en cuir à trous-trous qui orne le réservoir) ne nous a pas convaincu. Il paraît qu'il se monte sans cette espèce de rallonge, avec la plaque au plus près de la boucle arrière, un montage légalement pas permis, d'où cet appendice malheureux…
Quelques surprises en parcourant la fiche technique: si le couple a généreusement augmenté au fil du temps, passant de 92 Nm pour la première XJR1200 de 1995 à 108,4 Nm pour le dernier millésime, la puissance est restée absolument identique: 98 ch! Et si le réservoir arbore une silhouette particulièrement racée, n'espérez pas y verser plus de quatorze litres et demi. Ca va nous changer de l'ancien, qui contenait vingt-et-un litres!
1251cc de bonheur
Allez, ne boudons pas notre plaisir! Elle a décidément de la gueule, cette XJR, on fera le plein plus souvent et puis basta! Avec ses lignes retouchées, la XJR semble plus basse et moins imposante qu'auparavant. La finition, flatteuse, avec de beaux détails joliment léchés, fait mouche, comme ces pattes de fixation du phare, très prépa "café-racer".
Le gros bloc quatre cylindres, à l'ancienne avec ses ailettes, renvoie à une époque révolue avec son refroidissement à air, secondé il est vrai par un radiateur d'huile. Même constat pour le tableau de bord, limité à sa plus simple expression: Compteur et compte-tours analogique, quelques témoins sur la platine et un minuscule écran LCD comprenant horloge, jauge et trips. That's all, folks! Plus menue d'aspect, mais kif-kif sur la balance: la grosse Yam ne joue pas dans la catégorie poids plume, avec ses 240 kg pleins faits.
Coup de coeur
Une impulsion sur le démarreur et le bloc ronronne immédiatement. Embrayage et boîte aussi tendres qu'une motte de beurre frais, la XJR s'arrache sur le ralenti, et le rythme régulier du quatre en ligne permet d'avancer aisément à vitesse réduite. Un maniement délicat de la poignée de gaz permet d'enrouler en cinquième dès 30 km/h, un régal en ville où, malgré son gabarit, la Yamaha se sent comme un poisson dans l'eau.
La rondeur exceptionnelle de ce moteur le rend éminemment plaisant, induisant une conduite apaisée, rendant les limitations tout-à-fait acceptables (vous en connaissez beaucoup, des bécanes avec lesquelles vous n'êtes pas secoués comme un prunier à 50 km/h?). Sans vulgarité, il réagit à la moindre sollicitation, dans un souffle viril et puissant. La main de fer, qui vous prend par le fond du slip, mais dans un gant de velours; une mécanique qui prouve une fois de plus qu'une centaine de chevaux suffisent largement au bonheur sur deux roues!
Une moto mature, intemporelle, qui se plie à tous les usages, pour peu que l'on garde en mémoire son gabarit et son poids. Des motos plus efficaces et tranchantes, vous en trouverez, des motos qui incarnent à ce point le plaisir intemporel de la conduite à moto, c'est beaucoup plus rare! Et l'absence de toute aide électronique (il n'y a déjà pas d'ABS, alors le reste, n'y pensez même pas!) y participe certainement. Un coup de cœur, assurément!