Nous sommes au début des années 50. Bentley marque les esprits avec sa Continental Type R, à la ligne effilée et autoproclamée « la voiture à 4 places la plus rapide au monde ». Voilà un titre particulièrement impressionnant auquel prétend également cette nouvelle Continental Supersports ! Jamais une Bentley de série n’aura été aussi puissante et aussi rapide que ce modèle : la marque annonce une vitesse de pointe de… 336 km/h !

Une Majestée encanaillée !

La Bentley Continental, c’est cette noble Lady à l’allure un peu guindée, mais toujours distinguée quelles que soient les circonstances. Mais pour cette ultime version, Bentley oublie le tailleur de haut couturier pour un survêtement de sport nettement plus affriolant. Au diable l’image distinguée et subtile de la marque, ce modèle se pare d’un colossal aileron en carbone, de méchantes prises d’air sur le capot, de jupes latérales prometteuses et de jantes spécifiques donnant le tournis avec leurs 21 pouces ! Rajoutez à cela une teinte bleue électrique tranchant radicalement avec les inserts en carbone et vous obtenez une fille au sang bleu se prenant pour une Reine du hiphop !

12 cylindres et 710 chevaux

A la lecture de telles spécifications, on s’attend à une spectaculaire motorisation s’étalant de tout son long sous le capot avant. Surprise : le moteur est vraiment compact et… situé en porte-à-faux avant ! Une curieuse architecture pour une voiture qui se veut sportive… Nous verrons cela plus tard. Retournons dans les entrailles de la mécanique : ce W12 est une vieille connaissance mais il a ici profité d’un traitement de choc : gros turbos, échappement libéré (en titane sur notre exemplaire) et autres petits artifices poussant la cavalerie à 710 chevaux à 5.900 tr/min et le couple, à… 1.017 Nm ! En dépit d’une masse d’un autre âge (2,28 tonnes !), la marque annonce des performances météoriques : 3,5 secondes au 0 à 100 km/h !

Sportive ? Plutôt GT

Mais si les dehors révèlent une jeune fille solidement encanaillée, les dedans rappellent que la demoiselle a avant tout, le chic de bien recevoir. En lieu et place du traditionnel cuir, notre exemplaire préférait l’Alcantara qu’elle étalait du sol au plafond. Mais le boudoir anglais est toujours aussi accueillant pour quatre adultes. La finition fait appel aux matériaux les plus nobles et flattent les passagers. Quelques bandes décoratives insérées dans le pavillon et les sièges rappellent toutefois les prestations sportives du bolide. Grosse déception toutefois : un équipement multimédia très daté et dénué des dernières évolutions. Même refrain en ce qui concerne les aides à la conduite : c’est là que ce modèle avoue le plus son âge !

Groaaaaaaaaaar

Au démarrage, le 12 cylindres gronde d’une voix rauque, très évocatrice. La boîte automatique à 8 rapports est cependant d’une grande douceur et circuler à bord de ce vaisseau n’est pas plus compliqué qu’à bord d’une autre Continental… Si ce n’étaient les têtes des badauds, complètement dévissées sur le passage de la rageuse Anglaise !

Confort de GT

Sur autoroute, la Continental Supersports confirme son statut de haute GT. Non, cette variante débridée n’a pas eu raison de ses compétences à voyager loin, vite et en tout confort. Elle avale les irrégularités de la route comme aucune autre, alors que le W12 grommelle en sourdine. Une légère inflexion de votre jarret droit et le moteur tonne la charge, mettant l’horizon à portée de main…

Poussées volcaniques !

Sur un itinéraire tourmenté, la Bentley surprend. Les 710 chevaux révèlent un caractère volcanique, que la boîte auto essaye de lisser... La furie mécanique, une fois piquée au vif, dévoile un tempérament explosif qui efface les bouts droits en projetant l’équipage dans les sièges. L’échappement, lui, explose de colère en lâchant de spectaculaires détonations qui font trembler le voisinage. La poussée, si elle n’est jamais violente, n’en est pas moins féroce… Et oubliez les montées en régimes himalayennes : le W12 percute surtout entre 2.000 et 5.000 tr/min et coupe son sifflet dès 6.200 tr/min.

Freinages tardifs proscrits !

Mais c’est lorsque la route tourne que les choses se gâtent : les freins, pourtant en carbone céramique, font de leur mieux pour ralentir ce TGV des routes mais capitulent rapidement. On n’arrête pas l’Orient-Express aussi impunément, voyons ! Difficile dès lors de tailler des trajectoires d’une propreté absolue, d’autant que le W12 en porte-à-faux avant préfère pour sa part, tirer tout droit. La conduite dynamique impose donc un mode d’emploi particulier : anticipez largement avant les virages, entrez prudemment et lâchez la cavalerie dès que les estomacs sont prêts ! A ce petit jeu, les freins capituleront sans doute rapidement mais cela n’a aucune importance, car votre permis grillera encore plus vite, vu les vitesses démentielles atteintes !

Budget

710 exemplaires seulement, un budget démarrant à 272.250 € et un véhicule d’essai affichant un tarif pour le moins coquet de… 305.000 € ! Bienvenue dans un autre univers… Et le prix des options a de quoi faire tourner de l’œil… Mais les clients potentiels ne s’arrêteront sans doute pas à ce genre de « détail ». Même refrain au sujet de la consommation : le W12 possède un solide appétit, notre moyenne s’étant stabilisée sous les… 18 l/100 km. Comptez environ 15 l/100 km sur autoroute et… près du double en conduite « inspirée » ou dans les bouchons !

Conclusion

En dépit d’une allure évoquant plus les paddocks que les thés dansants, la Continental Supersports est une vraie GT surtout destinée aux longues voies rapides. Voilà une voiture absolument inclassable, aux multiples facettes et qui, contrairement à la précédente Supersports de 2009, joue la carte de la polyvalence en préservant ses 4 places. Née non pas pour combler un trou sur le marché, mais plutôt pour susciter l’envie et le désir, cette Continental Supersports réussit son paris : malgré sa masse handicapante et ses détails désuets, le monstre finit par charmer. Voilà donc un départ haut en couleurs ! La Reine est morte, Vive la Reine !