Impressionnante…

L’essai commence bien : face à l’engin, on se sent déjà tout petit. Il faut dire que, longue de près de 5m60, la Mulsanne en impose, même à l’arrêt. Sans parler de sa face avant plutôt du genre charismatique ! Inspirée de la Bentley Type S de 1950, elle reste dominée par l’imposante calandre encadrée de phares ronds. Nées sous le fusain de notre compatriote Dirk Van Braeckel, les lignes de cette Bentley Mulsanne annoncent clairement la couleur en associant lignes modernes et courbes nostalgiques. Car c’est cet aller-retour constant entre noble héritage et technologie qui caractérise ce nouveau vaisseau amiral.

Là où l’ancienne Arnage (« vielle » Rolls recarrossée) n’était que noblesse et où la famille Continental (reprenant de nombreux organes de la banque Volkswagen) n’est que technologie, la Mulsanne propose un mélange des genres plutôt alléchant. On retrouve ce souci de marier techniques modernes (comme le superformage des ailes en aluminium) et conception artisanale (les joints entre les panneaux de carrosserie en acier restent brassés à la main) à tous les niveaux de la conception. Résultat : neuf semaines s’écoulent entre l’entrée et la sortie d’une Mulsanne sur la chaîne de montage. Une durée de production devenue exceptionnelle à l’heure de la production en série…

Capot interminable

Le prix de la bête (plus de 300.000€ de base tout de même…) me trotte toujours en tête au moment de démarrer. C’est sûr, ça incite à faire doublement attention à ne pas abîmer sa chère carrosserie ! Mais il va falloir s’habituer aux dimensions atypiques du modèle : au premier croisement rencontré, le capot dépasse déjà de moitié dans le carrefour avant que je ne marque l’arrêt ! Il faut dire que, particulièrement étiré, il sert d’écrin à un joyau assemblé à la main : l’ancestrale V8 de 6,75l.

Soucieux de respecter la tradition des limousines de la marque britannique passée dans son giron depuis 1998, Volkswagen n’a donc pas succombé à l’envie de puiser dans sa banque d’organes pour proposer une mécanique plus moderne et/ou moins gargantuesque. Cela dit, même s’il conserve la cylindrée traditionnelle des productions les plus mythiques de Crewe, ce moteur a bénéficié d’un sacré coup de jeune. Dopé en air frais par deux turbocompresseurs, il développe 512 ch et, surtout, une impressionnante réserve de couple de plus de 1.000 Nm ! Même si la Mulsanne joue plutôt dans le registre des pachydermes avec ses 2,5t à vide, il y a déjà largement de quoi voir venir !

Diesel ?

Le premier coup d’œil vers les compteurs, qui « dansent à l’envers », surprend : la zone rouge du moteur débute déjà à 4.500 tr/min… comme sur un diesel ! Cela dit, nul besoin d’aller titiller les hauts régimes pour être collé au siège. Le couple maxi déjà disponible à 1.750 tr/min s’en charge déjà quasiment dès le régime de ralenti. Couplée à cette mécanique ancestrale, la nouvelle boîte automatique à huit rapports signée ZF joue sa partition à merveille. On en oublie carrément de prendre les commandes de l’ensemble via les palettes derrière le volant. Pourtant, c’est ça aussi, la caractéristique de cette Mulsanne : jouer les limousines confortables à apprécier depuis les places arrière et se transformer, à la demande, en « sportive » à savourer depuis le poste de pilotage.

Bien sûr, elle ne se transforme pas en barquette de compétition lorsque l’on calibre la suspension pneumatique sur « Sport »… Mais, hormis sa direction un peu trop légère, ce vaisseau amiral se révèle tout de même étonnement dynamique lorsque l’on hausse le rythme. Par contre, attention à la consommation ! Déjà qu’en effleurant à peine la pédale de droite, la Bentley avale le sans-plomb comme un Lord Ecossais le Whiskey, alors en conduite soutenue, les 96 litres du réservoir disparaissent à la vitesse V V’ !

Chauffeur

« A la maison, chauffeur ». Qui n’a jamais rêvé de prononcer cette phrase en s’engouffrant dans des fauteuils en cuir au moelleux irréprochable ? Du coup, c’est depuis les places arrière que je décide de conclure cet essai exceptionnel. Premier constat : par rapport à la précédente Arnage, l’espace disponible pour les jambes a considérablement évolué (heureusement, d’ailleurs, vu l’empattement de plus de 3m25 !). Par contre, on n’a pas spécialement plus de place que dans une Audi A8 longue.

Mais, c’est sûr, l’atmosphère y est différente. Plus raffinée avec ce mélange de bois, de cuir et de chrome qui respire la confection artisanale. Seul petit regret au moment de profiter au maximum de ce moment d’exclusivité : l’insonorisation des bruits aérodynamiques et de roulement aurait pu être plus poussée, pour une limousine de cette trempe. Ou bien, est-ce tout simplement mon inconscient qui cherche à tout prix une excuse pour ne pas m’obliger à m’endetter sur trois générations pour signer le bon de commande à la fin de mon essai ?