Hé bien, Grumpy, il va vous expliquer pourquoi il a du mal à faire son Grumpy sur ce coup là, tiens! Pas idiots, les gars de BMW nous font, avec la S1000RR, le coup de la R et de la F: le jeu des familles, qui consiste à décliner différents modèles à partir d'une même base. Nous avons d'abord eu droit à la Superbike, un domaine dans lequel on n'attendait sans doute pas le constructeur bavarois.

Bardée d'électronique et de testostérone, l'allemande eut vite fait de mettre au pas les quatre épouvantails japonais avec des armes fort similaires, comme le bloc quatre cylindres en ligne face à la route. L'apparition dans la foulée d'un roadster solidement burné, la S1000R, n'étonna ensuite plus grand monde.
 

Que l'heureux constructeur, qui possède dans sa gamme la success-story nommée 1200GS, annonce un trail "Adventure Sport" sur base de ses S1000 , ça devient déjà moins évident, d'autant que les trails à quatre cylindres en ligne ne courent pas les rues. Seul Kawasaki a relevé le défi, non sans brio, d'ailleurs.

Mais délivre nous du mal…

Visiblement, BMW ne veut pas jouer dans la même cour: on parle ici de 160 ch, pimentés de contrôle de traction dynamique, suspensions pilotées, ABS Pro, Shifter Pro en montée et en descente, choix de modes de conduite influant les paramétrages du moteur, mais aussi des suspensions et des assistances, et j'ai failli oublier le régulateur de vitesses ou encore le navigateur avec commandes au guidon! Bref, du BMW, avec la politique BMW: vous êtes bon pour piocher dans la liste des options…

Alors, moi qui suis plutôt du genre "bon vieux twin à air sans assistances", inutile de vous dire que l'exercice me rendait un peu goguenard. Et ce n'est pas la présentation, la veille au soir, qui allait me faire changer d'avis! A les écouter, ces braves gens, et c'est chaque fois le même couplet, ils ont réinventé le fil à couper le beurre! Et quand le malheureux designer essaie de m'arracher des larmes, tout à l'émotion du petit pli ici, du petit raccord là, de l'expression de la sportivité, de l'aventure ou de n'importe quoi d'autre à votre choix, il me donne envie de bailler. Je peux bien vous l'avouer, même si ça reste une affaire très personnelle, les trails, ça marche peut-être bien, mais c'est rarement des prix de beauté…

Fast and furious!

Le lendemain, nos XR, sagement alignées devant l'hôtel, nous attendent. Je repère la mienne, m'y installe et, avec la selle standard à 840 mm du sol, je me sens un peu malheureux en pensant à toutes les manœuvres scabreuses qu'impliquent les séances de photo. Ni une ni deux, je file prendre une selle basse, à 820 mm.

Ben, en fait, ça ne change pas grand-chose à l'affaire: la selle reste fort large, écarte donc trop les jambes à l'arrêt, avec pour résultat que mes pieds ne posent pas vraiment plus à plat qu'auparavant. Tant pis, on s'en contentera.

Vous vous en doutez, nos bécanes sont quasiment "full" équipées, avec ESA, et pack Dynamic, donc deux modes de conduite complémentaires, le Dynamic Traction Control et l'ABS Pro, qui tiennent compte de la prise d'angle de la moto.

Je pars gentiment sur le mode Road, mais adopte bien vite le mode Dynamic, autrement plus réactif et précis. Réactif à la rotation de la poignée de gaz, je vous rassure, les 160 bourrins répondent présent, précis en comportement, avec un réglage des suspensions nettement plus efficaces en guidage.

Ca cause dans le poste!

La XR donne alors sa pleine mesure, et le rythme s'accélère furieusement. Une météo clémente, des routes de rêve au nord de Barcelone, les fauves sont lâchés! Position aux petits oignons, confort impérial, la XR bondit d'un virage à l'autre avec une vigueur réjouissante.

Le shifter fait merveille, pas besoin de monter les rapports trop haut dans les tours, à 7 ou 8.000 trs, j'envoie le rapport supérieur sans couper les gaz, et m'engouffre dans le virage, sur le frein moteur, haut dans les tours cette fois-ci, en rétrogradant à la volée (merci le shifter qui accompagne d'un petit coup de gaz!), et sur le frein avant, commandé d'un seul doigt tant le mordant et la puissance se conjuguent pour offrir des décélérations d'enfer.

Le virage se resserre encore plus que prévu? Il suffit de tirer un peu plus avec le doigt et d'encore rentrer un rapport, jusqu'au premier si nécessaire. Redoutable d'efficacité, la XR s'inscrit sans sourciller, dans une parfaite transparence de l'ABS et du DTC qui met immédiatement en confiance. Même le gros gommard de 190 passe inaperçu, ce qui n'est hélas pas toujours le cas! Le plaisir est total et notre petit groupe d'agités se régale comme rarement!

Grumpy pinaille

La XR est une arme: rythme effréné doublé d'un réel confort de conduite, la barre est placée haut. Quelques tronçons plus placides, comme un bout d'autoroute à vitesse constante révèlent des vibrations bien présentes, mais qui passaient au second plan dans le feu de l'action. Le léger manque de rondeur du moteur dans les (très!) basses rotations se ressent bizarrement moins en mode Dynamic qu'en mode Road, lui même beaucoup moins expressif et réactif à la poignée de gaz.

Décidément, ce mode Dynamic me plaît beaucoup, plus exploitable au quotidien que sur une S1000R, par la grâce de réglages adaptés et de périphériques différents, tels l'échappement. Vous ne m'en voudrez pas de ne pas avoir essayé, ne fût-ce qu'un instant le mode Rain: il eut été dommage de gaspiller du virage!

Hormis ces quelques vibrations et un mode Road pour finir moins convaincant que l'excellent mode Dynamic, difficile de reprocher grand chose à cette machine bien née. En pinaillant, on s'étonnera de ne pas trouver un levier d'embrayage réglable, et on restera perplexe devant la laideur des supports de valises, une ferraille infâme très "after market". Incompréhensible de la part de BMW, qui nous avait habitué à mieux depuis des années!

Jamais dire jamais!

Vous l'aurez compris, cette moto a enthousiasmé tous les journalistes conviés à sa présentation, y compris le "Grumpy" de service, qui a bien du mal à dire du mal, justement! Les routes espagnoles, ensoleillées et virevolteuses à souhait, ont permis à la dernière née bavaroise d'exprimer ses talents de la plus belle manière. Sera-ce aussi vrai dans la grisaille des routes encombrées, mal entretenues et farcies de radars qui font notre triste quotidien? A vérifier!

Pour terminer par ce qui fâche, sachez encore que la BMW S1000XR sera vendue chez nous au prix de 15.850 €, auxquels vous serez bien inspirés d'ajouter au minimum l'ESA dynamique (suspensions actives) à 760 €, ainsi que le pack Dynamic (incluant le DTC, le Shifter Pro, le Style de conduite Pro, le Cruise Control et anecdotiquement les clignoteurs LED) à 1.070 €, soit un total minimum de 17.680 €.

Une somme à mettre en regard des 18.350 € réclamés par KTM pour sa 1290 Super Adventure ou des 19.690 € demandés par Ducati pour la Multistrada 1200S, deux machines à l'équipement sensiblement équivalent, excepté le shifter dont se privent l'autrichienne et l'italienne. Tout de suite, ça relativise: une BMW bon marché: on aura tout vu! Ah oui, au fait, 6,6 L/100km sur nos 250 km menés tambour battant, séances photos comprises…