Vous aimez les voitures qui ont du caractère ? Les sportives modernes aseptisées vous ennuient ? La TR6 est la meilleure réponse possible. La carrière de votre serviteur aura été parsemée de quelques prestigieux monstres sacrés, mais rarement une voiture n’aura été aussi marquante que cette TR6. Oui, une mamie de 47 ans qui ne vaut pas 25.000 € en occasion ! C’est dire si la chose est sous-évaluée et mérite que l’on s’y intéresse grandement…
Aperçu
En matière de roadster, Triumph en connaît un large rayon ! Depuis la TR2 de 1953 jusqu’à la TR5 de 1968, les modèles auront gardé cette indéfectible bonne humeur, ce caractère primesautier assorti de performances de haut niveau. Autre caractère commun : un certain dénuement, même si les modèles auront largement tendance à s’embourgeoiser avec les années. Pensez donc : Triumph a consenti à monter des vitres descendantes sur les portières de sa TR4, une capote rabattable et même, le chauffage en série ! Ne rigolez pas, cela paraissait aussi incongru pour les puristes qu’un mode de conduite autonome sur une Porsche 911 aujourd’hui…
Les Allemands pour du viril…
En 1968, la TR5 commence à accuser le poids des ans. Pourtant, le modèle n’a que quelques mois et son 6 cylindres de 2,5 litres lui permet de taquiner quelques monstres sacrés ! Mais la silhouette gracile de Michelotti n’est plus dans l’air du temps. N’ayant pas un budget démesuré, très loin de là, Triumph fait appel à Karmann : en effet, quoi de mieux qu’un designer allemand pour viriliser une voiture ? De nouvelles faces avant et arrière suffiront à en faire une nouvelle auto : ainsi est née la TR6 !
Européenne ou américaine ?
Produite de 1968 à 1976, la TR6, c’est le chant du cygne des roadsters anglais. En effet, ces derniers souffriront de l’arrivée des GTI sur le marché, qui bouleverseront les références : plus pratiques, plus légères, plus performantes et plus sûres, elles relègueront les traditionnels roadsters anglais au rang d’antiquité. Pourtant, la TR6 aura connu une belle carrière, avec plus de 91.000 exemplaires assemblés !
De 104 à 152 chevaux
Sachez toutefois que Triumph, pour répondre aux normes en vigueur aux Etats-Unis, a dû calmer son bolide pour l’exportation outre-Atlantique : exit l’injection Lucas qui donne 152 chevaux au vaillant 6 cylindres, place à une paire de carburateurs qui réduisent la puissance à… 104 chevaux. En 1972, les TR6 européennes gardent l’injection mais dégringolent à 124 chevaux, alors que les américaines gagnent deux malheureux canassons.
Au volant
La TR6, on l’a dit, c’est du viril. L’absence de direction assistée se fait bien sûr sentir et l’embrayage fatiguera votre mollet en ville. Mais la belle n’est pas faite pour ça : visez les grands espaces et les nationales sinueuses. Capote baissée, regard fleurant le capot, vous profiterez du couple du vigoureux 6 cylindres (oubliez les hauts régimes, il déteste ça !) et de son grondement caverneux. Les commandes sont parfaitement calibrées et restituent un ressenti on ne peut plus naturel. Quant au châssis, il avoue son âge par son manque d’adhérence, mais affiche un équilibre encore honorable. En revanche, les freins sont d’une autre époque… Et sur la pluie, prière de calmer votre ardeur !
Prix
La TR6 n’est pas une voiture rare, ni lors des rencontres entre oldtimers, ni dans les petites annonces. Vous y trouverez d’ailleurs de tout, du pire à 12.000 € à de l’exceptionnel à 35.000 €. Une voiture en bel état se situe quelque part au milieu, entre 20.000 et 25.000 €. Bon à savoir, il existe un monde entre une voiture européenne à injection et une américaine à carburateurs : au niveau des performances, mais aussi lors de la mise au point moteur, l’injection étant plus délicate. Nettement plus rares, les TR6 à injection (14.000 exemplaires contre 78.000 américaines) sont également plus onéreuses.
Fiabilité
« Acheter une vieille Anglaise ? Mais tu n’y penses pas ! Ce ne sont que des em*** ! »… Voilà ce que l’on entend tout le temps. Et pourtant, c’est faux ! Enfin, presque… Ce qu’il ne faut pas oublier, c’est que ce sont des vieilles dames de plus de 40 ans qui demandent un entretien rigoureux et un suivi régulier. Et à cet âge-là, forcément, quelques soucis peuvent se présenter. Mais ce n’est jamais dramatique, car toutes les pièces sont disponibles et à prix réduit qui plus est ! Même s’il faut souvent se méfier de la qualité des refabrications.
Ce qu’il faut surveiller
Comme pour toutes anciennes, la corrosion est l’ennemi numéro 1 ! Il s’agit ici d’une structure à châssis séparé, ce qui limite les dégâts, mais la TR6 adore rouiller de partout… Le moteur est solide, même si sa consommation d’huile peut paraître élevée (jusqu’à 1 l/1000 km, voire un peu plus). En revanche, l’injection des modèles européens est délicate à régler et il est conseillé de remplacer la pompe à essence d’époque par une de marque Bosch. Une fois parfaitement en ordre, roulez régulièrement pour maintenir le tout en état ! RAS pour les versions à carbus.
Du côté de la transmission, le pont peut souffrir sous les effets du couple important et l’overdrive de la boîte peut émettre des signes de fatigue. Il est également conseillé de surveiller les amortisseurs, souvent usés à la corde. Les remplacer par des amortisseurs télescopiques constitue une belle solution. Enfin, la finition et l’électricité sont deux points noirs : un défaut commun à bien des Anglaises…
Entretien/prix des pièces
Pour qui connaît les anglaises de collection, l’entretien n’a rien de surprenant : vidange moteur et graissage, tous les ans ou 5.000 km. Boîte et pont doivent être vidangés après 60.000-80.000 km ou après 5 ans. Les bougies (30 € les 6) sont à remplacer après 20.000 km. Pas de courroie de distribution au programme, mais une chaîne qui fait la durée de vie de la voiture. Comptez 50 € si vous faites la révision vous-même (il n’y a rien d’insurmontable) et de 200 à 300 € chez un pro.
Si votre voiture demande plus qu’une simple révision, la facture ne grimpera pas de manière dramatique : 120 € la paire d’amortisseurs (comptez de 300 à 400 € pour des éléments télescopiques), 500 € une ligne d’échappement, 3.500 € une réfection moteur complète, 800 € une portière, 250 € un embrayage, 80 € une paire de disques de freins, 500 € la toile de capote… Certes, ce n’est pas le même budget que pour une 2 CV, mais le niveau reste très raisonnable par rapport aux tarifs pratiqués pour une Jaguar ou, surtout, un monstre sacré italien ou allemand.
La consommation ? Raisonnable si vous roulez sur le couple : entre 10 et 12 l/100 km. Forcez le rythme et votre jauge descendra nettement plus vite. Octane 98 de rigueur…
Conclusion
Curieusement, l’inflation qui touche la plupart des ancêtres semble avoir relativement épargné la TR6. Pourtant, ce n’est pas faute de manquer de qualités : bourrée de caractère, elle vous emmènera au septième ciel automobile si vous savez en prendre soin ! Ce n’est pas la plus raffinée des voitures de collection, mais iriez-vous cracher sur un fût de rouge maison ? La goinfrerie a parfois des bons côtés…