Moteur central ou tout à l’arrière ?
La 911, c’est un peu le dernier des Mohicans d’une architecture quasiment révolue aujourd’hui : le moteur en porte-à-faux arrière. Une subtilité héritée de la lointaine Coccinelle qui a servi de base à la première Porsche, la 356. Un tel sac à dos induit un équilibre particulier, forcément plus rocambolesque que celui, parfait, d’un moteur central… Et justement, à ce sujet, la famille de petites sportives du constructeur, les Boxster et Cayman, présentent toutes deux un moteur central ! Alors, les petites dernières vont-elles finir par avoir le dessus sur Mamy ? Sur le papier, c’est bien parti…
Porsche Driving Experience
Porsche fait partie de ces quelques constructeurs à proposer un stage de conduite à ses clients. Si conduire une Porsche n’a absolument rien de sorcier, le pilotage d’un tel engin à ses limites est évidemment un exercice plus délicat… Au menu, un stage de conduite défensive avec évitement d’obstacle le matin, une séance récréative de « drift » (à savoir, l’art de la glisse) pour les gourmets l’après-midi et le tout sur la piste du centre de maîtrise du volant de Philippe Ménage, près de Visée.
Pour le coup, voitures et piste sont évidemment apprêtées de manière à assurer le spectacle : la surface est inondée, les aides électroniques sont déconnectées et les pneus arrière présentent un relief plus proche d’une fesse de bébé que du front d’un vieillard… Voilà, au final, de quoi garantir plus d’assurance pour le conducteur, qui profitera d’autant mieux de sa monture qu’il connaîtra ses réactions en situation extrême.
Cayman : l’équilibriste
Nous voilà au volant du charmant reptile… L’ergonomie, l’excellente position de conduite, le calibrage des commandes, le Cayman met immédiatement en confiance. D’ailleurs, l’évitement d’obstacle, à son volant, est une formalité. L’exercice se réalise à une vitesse comprise entre 45 et 50 km/h et le beau coupé s’exécute sans broncher, ni même glisser. Pour ressentir un frémissement du train arrière, prière de passer à 55 km/h. A cette vitesse, le décrochement est subtil et un léger coup de volant remet le reptile en ligne… Même pas peur !
Mais… Rajoutez 5 km/h et là, tout bascule ! L’arrière décroche brutalement, ce que l’on arrive à peine à rattraper, mais le « coup de raquette » (le train arrière qui, une fois remis en ligne, repart dans l’autre sens), est encore plus violent ! Mieux vaut rester éveillé ! Comprenez que le grip du Cayman est phénoménal. Vraiment ! Son adhérence est sidérante, mais une fois les limites de cette dernière atteinte, il décroche violemment, ce qui risque évidemment d’en surprendre plus d’un !
Boxster
Pas de grosse différence avec le Cayman, si ce n’est un équilibre un brin plus prévisible, sans doute dû aux pneus différents et à une rigidité inférieure. Lors de la séance de « drift », il faudra s’appliquer : la chose ne s’apprivoise pas facilement et ne se livre totalement qu’après l’avoir traitée avec respect ! Il s’agit de rentrer suffisamment vite dans le virage, de lever le pied en cours de route (ou de donner un bon coup de gaz), de laisser le train arrière enrouler, puis de gérer au volant et à l’accélérateur la dérive. Simple sur papier, une autre paire de manche sur la piste !
911
Face à ces insolentes prétendantes, comment se porte Mémé 911 ? A vrai dire, je l’attendais au tournant… Avec son tarif perché environ 40.000 € plus haut qu’une Boxster, la Reine se doit d’avoir de solides atouts pour conserver le trône ! Et une fois dans l’habitacle, si la présentation et l’ergonomie sont similaires, on ressent immédiatement le changement : l’instrumentation est plus étoffée, les matériaux sont plus soignés et le flat-six s’exprime d’une voix de baryton, nettement plus grave. Bref, changement de décor !
C’est parti ! Et avec 400 chevaux, pas de doute, la différence en terme de muscle est évidente : un lécher de gaz et boum ! Vous voilà expédié, quel que soit le régime ! Sur le parcours d’évitement, Mamy est cependant plus subtile : nettement plus vive, elle décroche plus tôt et rappelle qu’elle porte son moteur loin, là derrière ! Il s’agit de mouliner rapidement du volant pour ne pas se laisser déborder…
Et pourtant…
Après une première impression mitigée, où la 911 se révèle extrêmement joueuse, on finit par apprécier ce tempérament. Lors de la séance de drift de l’après-midi, Mamy nous aura enchantés ! Certes, il faut un certain temps d’adaptation et de compréhension pour en saisir le mode d’emploi (doucement en entrée de virage pour terminer en fanfare !), mais une fois assimilé, mes amis, quel bonheur ! D’accord, elle décroche plus vite, mais ses réactions sont moins brutales et plus prévisibles qu’à bord du duo de choc Boxster/Cayman. Et puis les 400 chevaux ne se font pas prier lorsqu’il s’agit de remettre une louche question exubérance !
Non, honnêtement, on ne passe pas plus vite, au contraire même, mais le tempérament est nettement plus savoureux ! Mamy garde de beaux restes et quand on redoute le décrochement du train arrière sur une Boxster ou une Cayman, on se délecte de celui de la 911. Attention toutefois, l’inertie du moteur tout à l’arrière peut vite vous embarquer dans une situation alarmante, si vous n’êtes pas suffisamment vif ! Mais à tout prendre, cela rajoute au piment : elle ne se livre qu’aux meilleurs et aux plus concentrés… A vous de jouer !