Précisons tout d'abord que le modèle mis à notre disposition par l'importateur dispose de nombreuses pièces piochées dans l'épais catalogue d'accessoires de la marque. Énormément de noir, qui renforce encore son caractère décidément très "bad boy": rien qu'à la regarder, on se sent déjà l'âme d'un rebelle, prêt à enfourcher sa machine et partir vers le soleil couchant, comme Lucky Luke dans la dernière case de tous ses albums. Ça se confirme, le noir sied merveilleusement à certaines motos. Parmi les "goodies" qui ornent notre Slim, une selle vintage à ressorts! Si nous restons un peu dubitatif face au confort qu'elle prodigue, elle n'en apporte pas moins une petite touche complémentaire à la Slim qui se démarque déjà par son style rétro et radical de "bobber", avec ses gardes-boue raccourcis, ses pneus quasi identiques à l'avant et à l'arrière, son équipement dépouillé, son absence quasi systématique de chrome, son étonnant guidon cintré "Hollywood", et ses proportions basses et étirées.

Naturellement

Une critique? Oui, assurément: les bouts d'habillage en plastique qui viennent prendre place sous la selle à ressorts, au raccord avec le garde-boue arrière! Autant la selle vintage en jette, autant l'effet est anéanti quand on découvre ces bouts de plastoc cache-misère. Un détail à corriger au plus vite, mais qui ne concerne que notre Slim et sa selle qui remplace la selle mono d'origine intégrée à la ligne. Assis sur cette fameuse selle à ressorts, nous constatons avec soulagement que la position de conduite semble plutôt naturelle, avec un triangle mains-fesses-pieds équilibré, ce qui nous rassure immédiatement sur l'agrément que la Slim pourrait procurer. La Slim reprend le cadre de type "Hardtail", esthétiquement très réussi puisqu'il donne l'impression de se retrouver face à un vieux cadre rigide, les suspensions arrières étant astucieusement cachées sous le moteur. Dieu merci, la Slim ne sacrifie pas à la mode des "gros boudins" dont semble si friande actuellement la clientèle de la marque, et se contente d'un modeste MV85B16, lisez un petit 150, et à l'avant un 130, tous deux en 16 pouces, sur des jantes rayonnées noires. Le bloc 103B, avec arbre d'équilibrage, est monté rigide dans le cadre.

Soupçon de modernité

Sous ses airs rustiques le Slim cache quelques modernités, comme un ABS invisible à l'œil nu, les capteurs étant soigneusement dissimulés, et si le tableau de bord se réduit à un simple cadran, un bouton au guidon appelle successivement dans le petit pavé digital le totalisateur, les trips, l'heure, l'autonomie restante, le rapport engagé et le régime moteur. La jauge à essence prend place dans un faux bouchon sur le réservoir et, comme toutes les grosses Harley, notre Softail bénéficie de l'accès mains libres: le transpondeur en poche, on met le contact et on actionne le démarreur. La clé peut verrouiller le contacteur et la colonne de direction, mais dès que le transpondeur s'éloigne de la moto, l'alarme s'enclenche et il n'est plus possible de démarrer le moteur. Une petite remarque encore sur les commandes de la Harley: les leviers ne sont toujours pas réglables, mais les commandes qui semblent ne pas avoir changé depuis des dizaines d'années se montrent particulièrement bien pensées avec des commandes de clignotants intelligentes: pouce gauche pour le gauche, pouce droit pour le droit, on repousse sur le même bouton pour l'éteindre, sur les deux pour le warning. L'inverseur code-phare permet maintenant l'appel de phare. Et les indications du tableau de bord défilent d'une simple impulsion sur un bouton à main gauche. Simple, évident, et tellement rare, hélas.

Ergonomique?

La prise en main ne posera guère de problème à un habitué de la marque, qui appréciera la position de conduite basse mais confortable, avec un guidon idéalement dessiné et loin des aberrations proposées sur d'autres modèles. La maniabilité est renforcée par le dépouillement général de la machine, qui grappille ainsi quelques précieux kilos pour limiter son embonpoint à 305 kg. C'est toujours ça de gagné. Nous prenons les petites routes en direction du Pajottenland et nous nous régalons de la maniabilité inespérée de cette Slim. La selle rustique se montre finalement assez confortable. Certes, le contact avec les fesses semble de prime abord un peu rude, mais on se prend à l'apprécier, en l'imaginant se patiner et se faire à votre anatomie comme une selle Brooks, au départ si difficile à appréhender, mais qui se moule littéralement à votre partie charnue au fil du temps. On se met déjà à l'aimer, notre selle à ressorts, en se disant qu'on vieillira bien ensemble! Ah, non, zut! On doit la rendre, la Slim!

Roule, roule, roule!

Dommage, parce qu'on se régale à son guidon, en enroulant sur le couple, aux environs de 1.800 à 2.500 tr/min. Quel régal! Pas besoin de monter dans les tours, pas besoin de beaucoup jouer avec la boîte, on profite de l'extrême disponibilité du gros twin, et des sensations qu'il distille au fil des kilomètres. On en vient à regretter une garde au sol dérisoire, alors que les qualités des châssis permettraient un rythme plus élevé. Pas de regrets, la Slim se déguste sur un tempo serein, les kilomètres défilent sans la moindre lassitude, on se met à rêver de grands espaces et de soleil couchant. La Slim est faite pour rouler, contrairement aux apparences. Fuyez les autoroutes, partez à la découverte des petites routes de campagne, découvrez les paysages que vous ne regardez jamais, trop concentrés que vous êtes sur votre trajectoire ou la recherche des radars. Rien de tout ça ici, mais un pur bonheur, vrai, authentique, et qui réconcilie avec une certaine pratique de la moto. Une bulle de plénitude, une expérience qu'on aimerait prolonger, une moto qu'on ne voudrait pas rendre à l'importateur tellement furent intenses les kilomètres parcourus à son guidon!