« Nous ne voulons plus jouer avec Subaru. Cette nouvelle Lancer Evolution est en réalité une révolution. » Ces quelques mots, distillés par les responsables du développement de la nouvelle Lancer Evolution, en disent long sur le virage à 180 degrés opéré par le porte-drapeau de la marque. Ainsi donc, Mitsubishi a décidé de ne plus inscrire son nouveau pur-sang dans la lignée des « Evo » qui a débuté en 1992 avec les Lancer RS Evolution et GSR Evolution et dont la dernière représentante, l’Evo IX, est apparue en 2005. Pourquoi une telle décision ? Pour ratisser plus large, pardi. Et les japonais n’ont pas froid aux yeux puisqu’ils expliquent que la clientèle cible se situe désormais du côté des BMW M3 et Audi S4. Rien que ça ! Finie donc la bête de course, la brute épaisse, radicale, sans concession, réservée aux amateurs de sport pur et dur. La Lancer Evo se veut plus mature, plus sophistiquée que l’ancienne. Plus sobre aussi au niveau de son design, même si on ne se refait jamais totalement, en témoigne la pelle à tarte présente sur la capot du coffre, le capot percé pour refroidir le moteur et la généreuse double sortie d’échappement. Cela étant dit, il est incontestable que cette Evo est plus consensuelle et moins excentrique que ses devancières. Plus harmonieuse et moins « bricolée », elle ne semble pas tout droit sortie d’une spéciale de rallye, et il sera plus facile de passer inaperçu à son volant.
Mal installé
Dans l’habitacle, on retrouve l’ambiance générale de la nouvelle Lancer agrémentée de quelques artifices plus ou moins pertinents. Bon point pour les excellents sièges Recaro qui enveloppent le corps jusqu’aux épaules. Par contre, et c’est d’autant plus problématique dans une voiture à très hautes performances, la position de conduite est insatisfaisante. En cause : le volant implanté beaucoup trop bas (malgré le réglage en hauteur) et une colonne de direction non télescopique. Pour le reste, les passagers arrière bénéficient d’un espace suffisant, mais la contenance du coffre est amputée d’une bonne partie en raison de la présence de la batterie et du réservoir de lave-glace (répartition des masses oblige).
MR ou GSR
La Lancer Evo est disponible en deux versions : GSR avec boîte mécanique à cinq rapports et un minimum d’équipements, et MR avec une toute nouvelle boîte à double embrayage (TC-SST) et tout ce qu’il faut pour séduire les clients BMW et Audi (régulateur de vitesse, sièges chauffants, Bluetooth, système sans clé, etc.). C’est cette dernière que nous avons essayée sur les routes montagneuses de la Sierra Nevada et le circuit privé de Guadix, en Andalousie. Un terrain de jeu idéal pour tester moteur, transmissions et suspensions : les trois principales nouveautés de cette Evo.
Intégralement intelligente
Contact… Déception. Le nouveau 2 litres suralimenté s’ébroue dans une sonorité on ne peut plus banale, et les coups de gaz n’y changent rien. Mais on vous l’a dit, c’est voulu. Equipé d’un turbo twin scroll et d’un calage variable des arbres à cames, ce bloc délivre 295 chevaux et 366 Nm. Des chiffres inférieurs donc à ceux de la nouvelle Impreza. Côté suspensions, rien n’est piloté, mais le matériel est sérieux : amortisseurs Bilstein et ressorts Eibach. Le nouveau système de traction intégrale (50/50 en temps normal, mais jusqu’à 70/30 ou 30/70 en fonction des besoins) utilise un dispositif (AYC) qui transmet davantage de couple à la roue arrière extérieure au virage pour ramener la voiture vers son point de corde. Un petit bouton situé dans l’habitacle permet en outre de faire varier le différentiel central actif selon la nature du terrain (Tarmac, graviers, neige). Enfin, la boîte à double embrayage développée par Getrag dispose de trois modes (normal, sport ou super sport) agissant sur la rapidité des passages de rapports et la réponse à l’accélérateur. On peut la manier avec le levier (qui fonctionne dans le bon sens), les palettes au volant, ou la laisser en mode « Drive ».
Avare en sensations
Pour commencer mon petit tour des montagnes andalouses, je positionne la boîte TC-SST en mode normal. Stupéfaction : elle ne rétrograde pas lorsqu’on freine ! Je passe donc immédiatement en mode sport. Ouf, elle devient réactive. Le moteur pousse, certes, mais il est avare en sensations. Linéaire dans ses montées en régimes, il est totalement exempt d’effet turbo, et la sonorité quelconque du moteur n’arrange rien. L’amortissement, nettement plus souple que sur l’Evo IX, permet à la voiture d’être plus efficace sur route déformée, sans pour autant prendre du roulis.
Efficacité phénoménale
Mais pour voir ce qu’a réellement dans le ventre cette Evo, direction le petit circuit de Guadix. Au programme : deux tours de reconnaissance, trois tours en mode sport avec ESP, et trois autres tours ESP déconnecté et boîte en mode super sport. Comme toujours sur circuit, le contrôle de stabilité se révèle frustrant, l’électronique « coupant les jambes » à la voiture lors des relances en sortie de courbe. Quant à la boîte en mode sport, elle est plus efficace en utilisation manuelle. Rien de tout cela en mode super sport, où la gestion électronique des rapports est extraordinairement efficace en « Drive », laissant le pilote se concentrer pleinement sur les trajectoires. Et une fois le contrôle de stabilité déconnecté, le châssis de l’Evo étale toutes ses qualités. Certes, le train arrière est moins joueur que par le passé en raison de l’AYC, mais l’efficacité est au rendez-vous : phénoménale.