On retrouve donc avec plaisir l’indétrônable bicylindre en V de 90° face à la route, architecture apparue dans les années 60 avec la V7, et la transmission par arbre, revisitée et baptisée CARC (Cardan Réactif Compact). Pour le reste, du classique, mais soigné. Un cadre acier avec un empattement de 1495 mm, une fourche conventionnelle réglable de diamètre 45, une suspension arrière monobras progressive avec un mono amortisseur réglable en détente et en pré-charge. Le train roulant se complète de deux disques de 320 mm avec des étriers à quatre pistons opposés pour l’avant, et d’un disque de 282 mm pincé par un étrier flottant à deux pistons parallèles.
Différente
Le bicylindre préserve l’architecture fétiche de la marque. Il se voit nanti d’une injection électronique multipoint et d’un pot deux en un catalysé à trois voies avec sonde lambda. Ceci permet au twin de répondre aux normes Euro 3, malgré un refroidissement à air, gage de simplicité.
Notons aussi la présence d’une boîte six vitesses, d’un ordinateur de bord aux multiples fonctions, dont un chrono un peu déplacé dans le cas présent… La variante "Touring" se voit nantie d’origine d’un Top case, de deux valises latérales, d’un sac de réservoir, d’un pare-brise et de poignées chauffantes, de quoi revendiquer – sur le papier – son patronyme.
La Breva présente bien. Le style, soigné, ne manque pas d’un certain caractère, grâce entre autres à l’originalité de son architecture moteur propre à la marque et reprise seulement par Honda sur les défuntes CX 500. Caractère et classicisme, nous sommes loin des extravagances de certains roadsters, tant japonais qu’européens. L'esprit est plus BMW, dans la lignée des R850R et 1150R, remplacées depuis par la R1200R. L’ergonomie semble particulièrement soignée, avec une position de conduite très naturelle, une selle particulièrement accueillante et accessible, un réservoir de 23 litres suffisamment échancré pour ne pas gêner les genoux, de larges poignées de maintien de part et d’autre de la selle pour le passager.
Mais pas déroutante
Nous sommes très loin des spécificités des modèles antérieurs et ça se confirme lors des premiers tours de roues: les commandes sont intuitives, naturelles, et n'appellent aucune remarque tant elles s’alignent sur les standards japonais. Ainsi la boîte est une merveille de douceur et de précision, la transmission par arbre se fait oublier, seul l’embrayage déçoit par le bruit qu’il produit.
Mais le meilleur se situe au niveau du moteur. Ce 850 affiche une excellente santé et un agrément de tous les instants. Capable de reprendre dès 2.000 tr/min en 6ème, il pousse avec une belle régularité jusqu’au rupteur situé à 8.000 tr/min. A ce régime, les 72 ch de la Breva nous emmènent à 200 km/h réels, bien assez en toutes circonstances. Le twin se montre à la fois vivant, souple, coupleux et suffisant dans tous les cas de figure. Rempli à tous les régimes, il distille un réel plaisir de conduite. Nous avons abattu plus de 1.500 km en quelques jours, avec notre passagère favorite, et la totale bagages.
Voyageuse
La Breva s’est montrée une compagne de voyage particulièrement attachante et attentionnée. Le confort est royal, les suspensions absorbant avec bonheur toutes les irrégularités. Revers de la médaille, elle ne brille pas par une précision micrométrique, mais tel n’est pas son destin: il ne manque pas de bécanes pour l’attaque pure et dure. Par contre, des motos capables de vous accompagner 365 jours par an, sans jamais faillir ou vous priver du plaisir de conduire, c’est plus rare, et la Breva compte parmi celles-ci. Ce n’est pas la moindre de ses qualités.
Tout y contribue, y compris le freinage assuré par Brembo. Puissant, endurant, facile à doser, il cumule les qualités, hormis une légère tendance au blocage de la roue arrière, ce qui nous fait d’autant plus regretter l’indisponibilité de l’ABS dans cette cylindrée, pour des raison de coût, semble-t-il. Dommage de ne pas laisser le choix au client, d’autant que l’ABS existe pour les 1100! On voit même sur la fourche les emplacements des palpeurs…
Soignée
Plein de petits détails qui ne sautent pas aux yeux renforcent encore l’attrait de la Breva au jour le jour, tels qu’un espace sous la selle généreux, un blocage de direction à gauche ou à droite, ou encore la commande de l’ordinateur de bord et du totalisateur au pouce gauche. Nous regrettons d’autant plus la présence de trois clés au trousseau, une pour la moto, une pour les valises et une pour le Top case. Quel dommage de ne pas avoir "dealé" avec les fournisseurs de bagagerie!
A en être aux reproches, déplorons encore le positionnement un peu trop en avant du Top case, qui limite un peu l’espace dévolu au passager (pas grave si c'est une jolie passagère, ça l'obligera à se coller au conducteur…) ou le câblage pittoresque des poignées chauffantes: celui de la poignée droite passe devant le bouton du démarreur! Peu de choses en somme, au regard des très nombreuses qualités de cette belle Italienne, qui a un peu de mal à trouver sa place. Le monde des motards ne pense guère aux produits de Mandello del Lario, et c’est un tort car cette moto offre des prestations proches d’une BMW (à peu de choses près) mais à un prix tout à fait compétitif face aux produits japonais (8.990 € pour la Breva et 10.490 € pour la Touring) avec le petit plus de l’exclusivité (tout le monde ne roule pas en Guzzi) et le grand plus de découvrir une moto si agréable à vivre au quotidien!
© Bruno Wouters