La Bonnie se veut dorénavant plus "seventies". Hormis quelques détails cosmétiques, les principaux changements se situent au niveau des pots d'échappement de style mégaphone qui remplacent les pots "saucisson", mais surtout au niveau du train avant. La fourche est conservée, mais guide dorénavant une roue de 17 pouces. Exit les roues à rayons qui ne subsistaient plus que sur la T100, inchangée. Dorénavant, la Bonneville et sa définition plus luxueuse, la SE, sont équipées de jantes à bâtons. L'empattement et la chasse évoluent aussi, l'angle de chasse passant de 28 à 27°, les tubes de fourche présentant aussi un déport plus faible par rapport à la colonne de direction.

Seventies

Une fois au guidon, le jeu des différences continue. La selle, creusée, culmine maintenant à 740 mm, 35 mm de gagnés, tout bénéfice pour les plus petits ou les débutants. Sur les nouveaux tés de fourche, un autre guidon, moins cintré et plus rapproché, change, avec la selle, complètement la position de conduite. En détaillant ça de plus près, on remarque l'abandon du guidon d'un pouce de diamètre propre à l'ancienne Bonneville et conservé sur la T100 pour un diamètre plus classique de 22mm. Les poignées sont du coup beaucoup moins grosses dans les mains, de quoi encore rendre la prise en main plus intuitive. Les commandes au guidon changent aussi, avec un autre maître-cylindre, déjà vu sur le Scrambler ou la Thruxton.

La nostalgie…

Pour le reste, la silhouette néo-classique de la Bonneville est soigneusement respectée, avec entre autres les incroyables faux carburateurs cachant les injecteurs. On s'y tromperait, tant ils sont réalistes. Tout bénéfice pour le look vintage qui ne pourrait se passer de bons vieux carbus derrière le bloc cylindre! Moins bien par contre, les nouveaux compteurs, qui font l'impasse sur le câble, et qui héritent d'un pavé digital complètement anachronique. Notre moto d'essai y échappait, mais pas les nouvelles. Dommage, cette faute de goût, d'autant que la Bonneville dégage par ailleurs un solide parfum de nostalgie, en nous donnant une envie immédiate de se replonger dans un passé où tout était tellement mieux, mon bon Monsieur!

…a du bon!

Assis au guidon, nous apprécions les courbes sensuelles et voluptueuses du réservoir en acier, le beau compteur (c'est fini, hélas) réduit à sa plus simple expression, qui cache à peine le gros cuvelage chromé du phare. Que les débutants, les petits, les femmes se rassurent. Si la moto semble lourde sur la fiche technique, il n'en est rien une fois assis sur la selle, basse et large. Notre Bonnie ronronne au ralenti avec un peu plus de fermeté qu'à l'origine, par la grâce d'une ligne Arrow piochée dans le catalogue des accessoires. Commandes douces et précises, les vitesses passent comme dans du beurre. Une des critiques les plus souvent entendues au sujet de la Bonnie concerne le manque de caractère de son bicylindre. C'est vrai, on ne peut le taxer de caractériel, mais sa bonne éducation, sa souplesse et son incroyable élasticité qui le font reprendre du ralenti jusqu'au rupteur, le rendent finalement fort agréable à vivre, et largement suffisant à la tâche.

La voie de la sagesse

Les motos qui vous offrent un réel agrément de conduite sans devoir essorer la poignée sont suffisamment rares pour que nous les mettions en exergue. C'est le cas de la Bonneville, et de fort belle manière. Assis à son guidon, vous rêvez de parcourir les petites routes à l'aventure, en enroulant d'un virage à l'autre, virages qui vous permettent de découvrir un nouveau visage à cette Bonneville montée en 17", une très belle maniabilité, une facilité que nous ne connaissions pas sur la Bonnie montée en 19". Cette dernière présente un comportement irréprochable, mais la roue de 17 apporte plus de fun. Revers de la médaille, les repose-pieds plus bas raclent d'autant plus vite que le nouveau comportement plus incisif pousse plus à l'attaque. Et pas question de les remonter plus haut: les jambes sont déjà assez repliées comme ça!

Et si c'était ça, le bonheur?

Les suspensions préservent un comportement sans lacunes, mais ne participent guère au confort plutôt spartiate. Rien de rédhibitoire, mais nous avons déjà été moins secoués… Excellent freinage: il nous semble que le nouveau maître-cylindre apporte plus de mordant à un frein avant qui remplit parfaitement sa fonction, mais prudence avec l'arrière, très puissant et qui bloque facilement la roue arrière. Les quelques jours passés au guidon de la Bonneville finiraient par nous faire penser comme les vieux cons des neiges d'antan: "c'était mieux dans le temps", tant le plaisir distillé par cette Triumph apporte une bouffée de fraîcheur, si décalée et si rafraichissante dans un monde où la performance à tout prix reste souvent la norme. Nous avons enroulé des centaines de kilomètres sur les petites routes qui le font bien, avec la banane qui nous fendait le visage tout au long du voyage, sans nous embêter une seconde, avec en prime aussi une consommation qui tournait autour des cinq litres aux cents. Une moto à l'aise partout, sauf sur l'autoroute (où en réalité seules les GT brillent), une gueule inimitable, un nom qui fait rêver… et si c'était ça le vrai bonheur?