Cette cible très spécifique valide, aux yeux des responsables d'Aprilia certains choix plutôt déroutants sur un scooter. Rien d'étonnant en fait, puisque le SRV 850 n'est rien d'autre qu'un Gilera GP 800 remis au goût du jour! Ce qui change? Tout d'abord le positionnement de la marque. Si Gilera jouit d'un prestige certain en Italie, avec une image forgée sur un riche passé et de fameux résultats en compétition, la marque passe moins bien sur les autres marchés, et la gamme se limite depuis pas mal de temps déjà aux seuls scooters, rien de très porteur. Aprilia peut par contre revendiquer une image plus internationale, une légitimité sportive plus actuelle, ainsi qu'une belle expertise technologique (ride-by-wire, traction control, choix de mappings). Piaggio, propriétaire des deux enseignes, semble vouloir délaisser Gilera et parier sur Aprilia. Ce qui justifie l'apparition du SRV 850 qui, le staff Aprilia insiste, ne remplace pas le GP 800 qui reste au catalogue. Les rôles, bien définis, relèguent le Gilera dans un registre plus "Touring", alors que le SRV se veut plus sportif et bénéficiera de développements qui semblent d'ores et déjà refusés au GP 800.

Le jeu des différences

Mais revenons au jeu des différences! Aprilia s'inspire de sa production maison, en reprenant le look de la RSV4: nous retrouvons les trois optiques, les deux prises d'air sous les optiques extérieures, les rétroviseurs qui intègrent les clignotants. La bulle réglable, pourtant présente sur le GP 800, disparaît hélas dans l'aventure. Le feu arrière effilé est hérité de la Dorsoduro. Les deux faux extracteurs qui l'encadrent confirment l'inspiration motarde du SRV. La finition des éléments laqués et des assemblages flatte le regard, plus que le tableau de bord, un peu vieillot et directement hérité, tout comme le guidon, du GP 800. De gauche à droite, le compteur, un pavé digital incluant température moteur, horloge, deux trips et la température extérieure, certaines infos étant appelées par un interrupteur au commodo droit et enfin à droite le compte-tours qui héberge la jauge à essence. L'instrumentation surplombe un tablier exempt de tout rangement, mais accueillant le frein de parking, peu élégant mais pratique.

Discours formaté

Mécaniquement, l'Aprilia reprend intégralement les composants du Gilera. Le cadre et les suspensions sont reconduits, le V-twin à 90° de l'Aprilia Mana (tout s'éclaire: le Gilera n'était qu'un usurpateur!) aussi, tout comme les freins, la transmission finale par chaîne ou encore le double échappement superposé. Ils sont formidables, les responsables d'Aprilia qui nous accompagnaient lors de cette présentation: ils arriveraient presque à vous convaincre de la justesse de leurs choix techniques! Une chaîne sur un scooter? Mais bien sûr! Ce scooter-ci tire une bonne part de sa saveur du monde de la moto, et cette chaîne, particulièrement solide et bien pensée ne nécessite qu'un minimum d'entretien. Un carter étanche? Ce n'est pas la demande de nos clients! Une courroie? Nous y avons pensé (de fait, les premiers protos du Gilera) mais, vous savez, une courroie, c'est sensible à la saleté, aux gravillons; ça nécessite aussi de l'entretien, ça devient bruyant en vieillissant… Si vous le dites! Les aspects pratiques, genre un coffre sous la selle qui n'accueille pas n'importe quel intégral, l'absence de vide-poches dans le tablier? Rien de rédhibitoire pour un possesseur de RSV4, à priori "scié" par les aspects pratiques d'un SRV! Evidemment, en comparant les deux… Notons malgré tout la facilité avec laquelle le SRV se dresse sur la béquille centrale: prenez-en de la graine, Monsieur le scooter BMW C650 GT! C'est maintenant que la conversation prend un tour surréaliste!

Bizarre!

L'ABS, l'antipatinage? "Rien n'est impossible, nous verrons les exigences de nos clients. Mais ils ne semblent a priori guère demandeurs". A croire que le SRV ne se destine qu'à des mâles italiens bourrés de testostérone et qui pensent que l'ABS n'est bon que pour les gonzesses! L'attitude du staff Aprilia est d'autant plus comique que nous pouvons d'ores et déjà vous prédire que le SRV ABS/ATC devrait arriver chez nous en juin ou juillet, au prix de 9.749 €, contre 9.329 € pour la version standard qui fait l'objet de cette présentation au nord de Rome! Le traction control commandera-t-il différents mappings moteur? La technologie est maîtrisée par Aprilia, reste à voir si le SRV en bénéficiera à cette occasion. Mêmes ingrédients que le Gilera donc, mais assaisonnement maison pour l'Aprilia. Les settings de suspensions et le mapping moteur évoluent discrètement, avec pour mission d'optimiser le comportement, d'améliorer l'efficacité, rendre le twin plus velouté, en délivrant le couple plus graduellement. Objectif atteint, notre essai nous a permis d'apprécier un châssis efficace, alliant rigueur et confort. L'état des routes empruntées n'a rien à envier aux nôtres, bien éloigné du billard espagnol qui servit de cadre à la récente présentation des scooters BMW.

Scooter express

L'Aprilia s'y est pourtant admirable comporté, sans ruiner nos vertèbres. Les routes tournaient bien, l'Aprilia aussi, et nous nous amusions beaucoup à nous propulser d'un virage à l'autre en usant de l'accélération herculéenne offerte par ce twin. Seul quelques rares pompages lorsque la route se dégrade trop calmeront (un peu!) nos ardeurs. A un rythme plus posé, l'Aprilia se révèle prévenant et onctueux. La puissance répond "présent" à tous les régimes, sans guère de vibrations et avec beaucoup de progressivité, un vrai bonheur. Les freins, privés d'ABS (on n'est pas des gonzesses!) affiche un mordant, une progressivité et un dosage exemplaires, hormis un dribblage de la roue arrière très déplaisant. Pour en avoir le cœur net, nous avons échangé notre machine avec une de nos collègues (eh oui, les gonzesses domptent les machines de machos!). Et là, le phénomène avait quasiment disparu. Et comme un bonheur ne vient jamais seul, ce SRV "arrachait" encore plus franchement que le nôtre! On l'a pourrie, notre collègue! Et en même temps, on se dit que sous nos latitudes humides, le traction control ne sera sans doute pas inutile, surtout après avoir vu l'état de notre pneu arrière après seulement 1750 km. Ces journalistes! Ils vous ruinent une bécane en deux temps et trois mouvements!

Tentés?

On ne vous le cache pas, nous avons pris du bon temps au guidon du SRV! Imparfait, certes, il possède, comme beaucoup d'italiennes un sacré tempérament et une personnalité bien trempée. Serez vous séduits? Tout dépend de ce que vous attendez: le SRV souffre côté aspects pratiques: petit coffre, pas de rangements, une chaîne qui demande un minimum d'entretien, même si les possesseurs de GP800 ne semblent guère s'en plaindre, louant sa longévité et sa faible fréquence d'entretien. Son gabarit risque aussi de le déforcer dans les encombrements citadins. D'un autre côté, le SRV se targue d'un comportement efficace et rigoureux et son moteur offre une allonge et des performances sans commune mesure avec les autres scooters. Notre conseil? Attendez la disponibilité de la version ABS/ACT, elle devrait rendre la vie à bord du SRV plus facile sous nos latitudes…