Il fallait être un peu fêlé, en cette mi-février, pour débarquer chez Bentley et demander, le sourire aux lèvres, les clés d’une Continental Supersports. 630 chevaux et 800 Nm de couple sur la neige, ce n’est pas franchement tranquillisant. Heureusement, ce matin-là, le ciel était avec nous et le thermomètre avait repris des couleurs. Et puis, à la voir tapie devant le show-room, l’hésitation n’était pas permise.
Anglo-allemande
Par un heureux hasard, notre exemplaire d’essai était garé juste à côté d’une Continental GT Speed, la plus sportive de la bande avant l’arrivée de cette Supersports. On en a donc profité pour jouer au jeu des sept erreurs. Car cette Supersports n’est pas à proprement parler un nouveau modèle, mais l’ultime déclinaison de la Continental GT qui, rappelons-le, partage sa plate-forme et son moteur avec une certaine… Volkswagen Phaeton. Cela étant dit, l’Anglaise a largement pris ses distances. La Bentley Supersports n’est en effet pas le résultat d’une étude de marché. Son histoire a commencé comme une sorte de projet confidentiel avec une équipe de quatre ingénieurs qui planchaient sur le potentiel de performances supplémentaire qu’offrirait une Continental GT allégée.
La forme suit la fonction
Esthétiquement, tout ce qui différencie cette Supersports possède une fonction bien précise. C’est le cas de la calandre verticale dont les grandes grilles apportent 10% d’air supplémentaires aux deux intercoolers, tandis que l’air surchauffé du compartiment moteur est extrait par les ouïes percées dans le capot. A l’arrière, les ailes ont été élargies pour envelopper la voie dont la largeur a augmenté de 5 cm. Impossible également de passer à côté des énormes roues de 20 pouces à dix branches qui laissent entrevoir les disques de freins en carbone-céramique. Les embouts d’échappement, enfin, ont été agrandis de 4 cm.
Stricte deux places
On vous l’a dit, le but des ingénieurs en charge du projet était d’alléger au maximum la voiture. De cela, on s’en rend compte dès qu’on ouvre la porte de l’habitacle. Les deux sièges arrière ont disparu, et le carbone est présent partout dans l’habitacle, de la coque des sièges à la console centrale où il remplace avantageusement les traditionnelles boiseries. Pas de réglage électrique des sièges non plus. Ceux-ci coulissent manuellement, et leur hauteur est réglable en atelier. C’est un peu fastidieux, mais bon… les propriétaires de ce genre de voitures confient rarement le volant à quelqu’un d’autre. Avec tout cela, on se dit que la Supersports a fameusement maigri par rapport à la GT Speed. En fait, cela correspond à 110 kilos en moins. C’est bien, mais la bête affiche tout de même encore 2.240 kilos à vide. Il faut dire que, sous ses apparences « racing », la Supersports n’a pas renoncé au luxe, loin de là. Moteurs électriques pour assister la fermeture des portes et du coffre, sièges chauffants, système multimédia complet. Tout y est, ou presque, et ce n’est pas la transmission intégrale ni la suspension active ou le moteur 12 cylindres qui vont alléger l’addition.
« Glouglou »
Parlons-en, justement, de ce moteur. Il s’agit du W12 biturbo de 6 litres dont la puissance a été portée à 630 chevaux en jouant sur la suralimentation, ce qui en fait le moteur le plus puissant jamais utilisé au cours des 90 ans de la marque. Pour l’allumer, il suffit de presser sur le bouton « Start ». Et là, on se rend compte que cette Bentley n’est pas tout-à-fait comme les autres. L’habituelle sonorité feutrée a fait place à un « glougloutement » qui en dit long sur les ambitions de la bête. La transmission automatique compte six rapports qu’il est possible d’actionner via deux grandes palettes fixées à la colonne de direction, mais non solidaires du volant.
Catapulte
Ce qui étonne, dans les premiers kilomètres, c’est l’omniprésence du couple. Les 800 Nm sont atteints dès 1.700 tr/min et sont disponibles sur la quasi-totalité de la plage de régime. Cette voiture est une catapulte. Une fois sorti de Bruxelles, j’opte pour les petites routes et commence à jouer avec les palettes. A mon grand étonnement, le système est rapide et chaque rétrogradage se ponctue par un coup d’accélérateur qui donne des frissons dans le dos. Une autre spécificité de cette Supersports est de pouvoir compter sur une transmission intégrale qui envoie 60% de la force motrice vers les roues arrière. Une solution qui permet de diminuer le sous-virage lorsqu’on remet les gaz en sortie de courbe et de virer à l’accélérateur. Dans la pratique, il vous faudra toutefois déconnecter l’ESP dont le caractère castrateur est particulièrement marqué. Cela dit, avec une masse de 2,2 tonnes qui passe de 0 à 100 km/h en moins de 4 secondes et pointe à 329 km/h, il ne faut pas s’attendre à un comportement d’authentique sportive. L’agilité n’est donc pas le plus grand atout de cette Bentley et les premiers gros freinages vous rappellent vite que malgré tout le savoir-faire de la marque, les lois physiques sont les mêmes pour tout le monde sur cette bonne vieille terre…