Les recettes, pourtant, ne diffèrent guère: des bases connues, voire communes, un coup de crayon inspiré mais somme toute convenu, celui de l'image du café racer dans l'inconscient collectif, et le même prix, astronomique, d'une quinzaine de milliers d'euros.

Si ce prix pouvait encore se comprendre (à défaut de se justifier!) dans le cas de Voxan, un constructeur lilliputien toujours sur la corde raide, qui proposait sa Black Magic en nombre strictement limité via internet, il n'en est pas de même pour BMW qui vend cher et vilain une moto qui constitue tout de même la quatrième vente de la marque, et qui ne brille pas par son suréquipement et ses audaces techniques…

Mais ça, c'est sur le papier! Parce que dans la réalité, difficile de résister au charme brut et authentique de la NineT, une machine sacrément attachante et réussie!

L'essence de la moto

Avec le design de la NineT, BMW réussit à éviter l'écueil du café racer radical avec sa position extrême due à des guidons-bracelets ici absents, et s'éloigne de la néo-rétro convenue, telles les Triumph Bonneville, Guzzi V7 et autres Honda CB1100. Le propos n'est pas le même, les performances et les prestations du châssis non plus.

La NineT veut plutôt nous ramener à l'essence même de la moto, une machine bombardée "roadster" depuis quelques années (avant, on disait simplement "moto", mais ça, c'était avant que les constructeurs s'ingénient à multiplier les niches de marché!). Un roadster d'un style classique et dépouillé, avec certes des clins d'œil au passé, ne reniant pas une certaine modernité (suspensions, freins…), mais ne succombant pas non plus à la surenchère technologique fort en vogue actuellement, et particulièrement d'ailleurs chez le constructeur à l'hélice.

Cette moto fera date dans l'histoire de la marque: elle en symbolise les 90 ans d'héritage, d'où son nom, avec son moteur à plat est sa transmission par arbre, déjà présents sur la BMW R32 de 1923. La NineT marque la fin d'une époque: ce modèle sera en effet le dernier à recevoir un "flat" refroidi par air (et huile). La GS a ouvert une nouvelle ère en introduisant dans la gamme une motorisation refroidie par eau (et air!), un moteur repris dorénavant sur la RT, la R1200R et la récente R1200RS.

L'héritage

Ce statut particulier vaut à la NineT d'autres attentions, telles un choix de matériaux "traditionnels et authentiques", comme le précise le dossier de presse. La customisation et la personnalisation répondent à l'air du temps, la NineT ne pouvait y échapper, avec bien sûr un choix d'éléments puisés dans le catalogue de la marque (selles, échappements), mais surtout une conception facilitant les modifications plus personnelles.

Le look de la machine revêt une importance capitale, et justifie sans doute l'abandon de la suspension Telelever en faveur d'une plus conformiste fourche, fût-elle inversée. Celle-ci provient en droite ligne de la sportive S1000RR, les réglages en moins. Le monobras arrière de type Paralever est heureusement conservé, et peut accepter une jante de six pouces de large (5,5 d'origine).

Des points d'ancrage sont prévus en bout de bras pour la fixation éventuelle d'un support de plaque collé à la roue. Les jantes à rayons accentuent la filiation historique, le réservoir en aluminium avec les flancs brossés enfonce le clou, et on ne se lasse pas de découvrir les petits détails qui font la différence, comme l'emblème BMW niché au fond du phare sur le cache-ampoule. Il reste du travail, comme les clignotants ou les rétros, à remplacer au plus vite, mais ceci fait déjà partie du plaisir!

La fin d'une ère

La NineT reçoit donc la dernière évolution du "flat à air" qui équipait toute la gamme "R" avant de céder la place au flat à eau. Il développe la puissance largement suffisante de 110 ch à 7.750 trs/min et un couple généreux de 119 Nm. La transmission par arbre possède un rapport de pont plus court.

La prise en mains ne déroutera pas ceux qui découvrent à cette occasion l'univers BMW. La selle, pourtant fine, se montre accueillante, à 785 mm du sol. Notre machine est enrichie du pot Akrapovic en position haute, et d'une selle monoplace, la boucle arrière passager étant restée à l'atelier.

Le guidon tombe naturellement sous les mains, induisant une position dynamique sans peser sur les poignets. Le tableau de bord, fixé bas sur le té de fourche, se montre complet avec un pavé digital regroupant diverses informations encadré de deux cadrans ronds, un brin trop petits à notre goût.

Embrayage et commande de boîte parfaits, le flat s'ébroue, se montrant conciliant dès 2.000 trs/min, y compris sur les derniers rapports.

Old school

L'échappement donne de la voix, gronde, éclate aux coupures de gaz, amplifie le plaisir qu'apporte ce flat "old school" en toutes circonstances. Sa bonne santé et le rapport de pont raccourci participent pour beaucoup à l'agrément de cette moto, d'autant que le châssis offre à la NineT un comportement rigoureux et efficace.

Si on regrette de ne plus bénéficier de l'effet anti-plongée du Telelever, on se réjouit de constater que le confort n'a pas été sacrifié. Rien à dire sur le freinage, aussi puissant que facile à doser, avec toutefois un frein arrière qui bloquerait facilement sans l'intervention de l'ABS. Attention, pas d'antipatinage au programme, il faut doser à l'ancienne, à la poignée de gaz, on ne s'en plaindra pas.

Très attachante, la NineT pêche par des aspects pratiques négligés, une protection nulle (une pitié sous la pluie, avec les remontées de la roue arrière!), un rayon de braquage très moyen et quelques aberrations comme la présence de chambres à air, mais elle se rattrape largement par une absence de sophistications électroniques absolument réjouissante, une gueule particulièrement réussie, un tempérament bien trempé et une réelle efficacité. Que demander de plus? Ah, si, le prix! 15.200 €, ça fait cher le bonheur simple…