Il fallait oser, pour Ducati qui s'est forgé son image avec ses super sportives et ses Monster, lancer un produit tel que le Scrambler. Mais la légitimité du passé (les premiers scramblers Ducati sont apparus en 1962 pour tirer leur révérence douze ans plus tard) et surtout une vision éclairée du marché actuel de la moto et de ses perspectives rendaient le pari jouable.
La course à la puissance et à la débauche technologique à laquelle cèdent les constructeurs ravissent sans doute de nombreux motards, mais en laissent aussi un paquet sur leur faim. Une petite machine, légère, maniable et raisonnablement puissante, apporte sans doute un plaisir plus pur que certains délires bardés d'électronique. La mode, qui pourrait bien en réalité se révéler une tendance de fond, du néo-rétro a fait le reste. Ducati l'a bien compris, comme Triumph qui enfonce le clou avec ses nouvelles Bonneville.
Lifestyle
Malgré le succès retentissant du Scrambler 800, décliné en quelques variantes ne jouant que sur l'esthétique, Ducati a décidé de toucher un autre public, plus jeune sans doute, plus féminin peut-être, mais surtout moins expérimenté, et qui pourrait reculer devant le plus puissant 800cc. C'est ainsi qu'est née la Sixty2 (1962, les scramblers Ducati débarquent aux USA!). Guère différente de ses grandes sœurs, la Sixty2 ne cube que 400cc et se contente de 41 ch, de quoi en effet rassurer les plus novices d'entre nous.
Ducati ne lésine pas sur la com' pour promouvoir ses scramblers, une marque dans la marque. Le marketing, décidément fort pesant, nous tartine de jeunisme lifestyle, reliant la Sixty2 au monde du skate, du bmx, du surf ou du street art. Cette présentation à Barcelone réunissait d'ailleurs un nombre étonnamment bas de journalistes issus de la presse moto, un peu perdus au milieu de charmantes jeunes filles et autre blogueurs "lifestyle"…
Si la Sixty2 se veut facile et accessible au plus grand nombre avec ses 400cc, elle ne se différencie pourtant guère de ses grandes sœurs. N'espérez donc pas une moto plus accessible financièrement. A 7.990 €, seuls 900 malheureux euros la séparent de la moins chère des 800, l'Icon.
Sexy
Pourtant, en la détaillant, les différences s'accumulent. Fourche conventionnelle remplaçant la fourche up-side down, bras oscillant en acier, pneu arrière de 160 (180 pour la 800), réservoir abandonnant ses inserts latéraux, disque de frein plus petit et étrier plus modeste, collecteur d'échappement simplifié et pot passé au noir, disparition du radiateur d'huile et du port usb sous la selle, rétroviseurs basiques, Ducati a vraiment "gratté" partout!
Mais il faut voir le bon côté des choses. Si ces économies ne se répercutent guère sur la facture, force est de constater que la Sixty2 se montre la plus désirable de la bande, avec sans doute plus d'authenticité et de classe. La fourche conventionnelle lui va comme un gant, on échappe au repoussant bras oscillant en alu et au ridicule boudin de 180 surdimensionné, on récupère un semblant de garde-boue arrière qui équilibre la ligne, on gagne 3kg sur la balance et un demi-litre d'essence dans le réservoir, et on hérite de suspensions tarées légèrement plus souple et d'une selle mieux rembourrée! Pour le reste, la Sixty2 reprend à son compte les feux LED, dont le phare caractéristique, et le petit compteur minimaliste.
Fun
Le bloc 400 propose une courbe de couple très plate, un gage de facilité lors de la prise en mains qui débutera dans les embouteillages de Barcelone. Nous retrouvons avec plaisir la position de conduite naturelle et décontractée propre aux Scramblers Ducati. Les suspensions et la selle préservent plus gentiment le postérieur qu'avec les 800cc, le freinage, plus modeste sur papier, remplit bien son office avec un mordant suffisant mais sans excès.
Le bloc 400cc tracte consciencieusement, suffisant mais jamais effrayant pour un débutant. N'espérez pas descendre sous les 2.500 trs/min, il n'aime pas. Cette facilité et ce caractère raisonnable laisseront les agités de wheelies ou de stoppies sur leur faim, ils raviront ceux qui veulent rouler sans se prendre la tête, sans s'inquiéter d'une plaque d'égout ou d'un passage clouté glissant, sans débouler comme un boulet au carrefour suivant pour cause de cavalerie aussi nombreuse que débridée, sans suer sang et eau à essayer de tenir debout une brêle aussi haute que lourde…
Seuls bémols, un échappement qui, à défaut de libérer une bande son un minimum sexy, dégage au contraire quelques calories qui pourraient devenir gênantes bloqué dans un embouteillage en plein cagnard, l'absence de leviers réglables et un rayon de braquage bien peu urbain.
La moto, pour tous
Sympa en ville, la Sixty2 se révèle très amusante sur la route, avec un comportement sans reproche. Précise, vive et joueuse, elle se régale des enchaînements de virages. Les suspensions plus souples n'handicapent pas le comportement, tandis que les freins suffisent largement à l'exercice. Même le moteur, qu'on aurait pu craindre à la traîne, tire très honorablement son épingle du jeu. Il ne faudra pas hésiter à jouer de la boîte et "essorer" les hauts régimes pour lui permettre de s'exprimer, mais cela se joue avec facilité. Les performances correctes permettent de tenir un bon rythme, mais toujours avec cette retenue suffisante qui saura mettre en confiance les moins expérimenté(e)s, tandis que les "anciens" retrouveront avec délectation le plaisir des moyennes cylindrées de leur jeunesse! Cette Sixty2 constitue à notre avis l'offre la plus alléchante de la gamme, une moto à mettre entre toutes les mains sans arrière-pensée!