Cette année, ce sont 200.000 personnes qui ont bravé la pluie, le vent, le froid et surtout, la boue, pour connaître un festival à nul autre pareil. Uniquement des passionnés de voitures anciennes en manque d’adhérence, voire des nostalgiques du carbu qui suinte, pensez-vous ? Loin de là : le Goodwood Revival s’adresse à un public bien plus large. « Le spectacle est total, il n’y en a pas que pour les bagnoles », me glisse Tristan, un ami venu pour la deuxième fois, après 13 ans d’absence. Dès lors, de quoi s’agit-il ?
Tracé rapide installé sur les terres du Duc de Richmond, au sud de l’Angleterre, le circuit de Goodwood a connu son âge d’or de 1948 à 1966. Le circuit n’ayant quasiment plus bougé depuis, le petit-fils du fondateur, le 11ème duc de Richmond, décida de créer un événement célébrant cette période. Un événement allant bien au-delà des seules courses automobiles, puisqu’il imagina un concept destiné aux nostalgiques de l’époque, où les visiteurs seraient en tenue d’époque, viendraient pour nombre d’entre eux en voiture d’époque et pourraient danser sur des tubes de l’époque ! Et tant qu’à faire, pourquoi ne pas coiffer le tout de quelques voltiges de Spitfire, vrombissant dans le ciel ? Bref, une vision globale qui connut rapidement un succès phénoménal…
Des icônes embourbées !
« Il faut être vraiment motivé cette année » me glisse en douce, mais avec de larges sous-entendus, ma charmante épouse… C’est qu’après avoir expérimenté trois éditions baignées de soleil, cette édition-ci connaît un début sous le déluge, à rebuter des hommes-grenouilles ! De quoi barbouiller sans ménagement nos tenues d’époque… Pas de quoi rebuter les passionnés venus en voiture d’époque. A ce sujet, le parking réservé aux voitures anciennes a de quoi mettre les maniaques en PLS : ici, les Ferrari 330 GTC, Aston Martin DB5 et autres Jaguar Type E sont toutes maculées de boue ! En faire le tour vaut toutefois son pesant de cacahuètes, tant ce parking étonne par sa diversité et sa quantité !
La machine à remonter le temps !
Une fois sur le site, la magie opère : chaque détail, chaque recoin, a été pensé avec une minutie qui relève de l’obsession. Le saut dans le temps est spectaculaire : des food trucks vintage, des toilettes camouflées derrière un décor daté, des échoppes fleurant bon les fifties et même des Bentley S3 comme navettes pour les VIP ! Et puis, il y a bien entendu les visiteurs eux-mêmes qui, pour l’immense majorité, jouent le jeu avec des tenues d’époque. Quitte à dézinguer la robe de grand-maman qui n’avait probablement jamais vu autant de flotte lui tomber dessus ! Un conseil : si vous y allez, faites l’effort « du déguisement », sous peine d’avoir l’impression d’être venu en queue de pie à un congrès de nudistes !
Et sur la piste ?
Pour les amateurs de courses de voitures anciennes, le Goodwood Revival est très certainement l’un des plus beaux événements de la planète. Tous les éléments sont réunis : un tracé sinueux, étroit et piégeur ; les plus belles voitures des 50 et 60 (Aston Martin DB4 GT, Ford GT40, Jaguar Type D, Ferrari 250 SWB…), et surtout, des pilotes de renom (Tom Kristensen, Romain Dumas, Jochen Mass… et même quelques personnalités de la F1 comme Christian Horner et Adrian Newey !) bataillant ferme au volant de ces vénérables machines, usant et abusant du contre-braquage pour maintenir ces machines hors de prix, sur la piste. Entre les courses, quelques parades se succèdent, célébrant tantôt John Surtees, tantôt les 75 ans du moteur XK de Jaguar et tantôt les 80 ans du débarquement de Normandie.
Sous la pluie, le spectacle est absolument délirant : les voitures se frôlent, passent en glisse totale et hurlent de tous leurs cylindres, sans aucune retenue. Un spectacle immersif, avec des empoignades mémorables et vu de près par les spectateurs : entre les martèlements sourds des V8 yankees et les cris suraigus des V12 maranelliens, les odeurs d’essence brûlées et les courbes gracieuses de ces machines d’un autre âge, ce sont trois sens qui sont comblés ! Et cerise sur le gâteau : toutes les voitures carburent à l’essence durable, ce qui est la grosse nouveauté de cette année !
Un moment hors du temps
Alors, certes, tout n’est pas parfait. Le spectacle est superbe, mais le prix est à la hauteur de l’événement… En outre, les tribunes sont payantes (et très chères !), le show des Spitfire virevoltant dans le ciel assez limité, les embouteillages menant au circuit ont de quoi rebuter quelques boute-en-train patentés et surtout, l’événement n’est globalement pas adapté aux intempéries. Mais quelle magie : swinguer sur un air des Beatles avec des interprètes plus vrais que les vrais, avec en fond sonore, la plainte suave des plus belles machines de course pilotées par quelques-uns des meilleurs pilotes au monde, seul le Goodwood Revival peut vous l’offrir…