Le constructeur n'a pas peur non plus de risquer de nouveaux concepts. La Pacific Coast de 1989, un concept drôlement intelligent de "moto-mobile", très mal reçu par certains motards qui l'ont affublé du sobriquet de "baignoire" ou de "tupperware", l'inclassable DN-01, ni scooter, ni custom, qui ne rencontra pas plus de succès, et maintenant les "triplettes" NC700S, NC700X et Integra l'illustrent à l'envi. Des trois, l'Integra se montre indiscutablement la plus innovante, avec son look de scooter greffé sur un châssis de moto!
Trois-en-un
Pour rappel, les trois véhicules partagent le même châssis et la même mécanique. Nous retrouvons donc sur l'Integra un cadre en acier qui profite de l'architecture inclinée du moteur pour afficher une belle compacité. Les suspensions sont confiées à l'avant à une fourche conventionnelle (diamètre 41mm) de 120 mm de débattement, tandis que l'arrière reprend le système à biellettes bien connu des amateurs de la marque sous le nom Pro-Link. Le bras oscillant reprend le même matériau que le cadre. Les jantes, identiques aux trois modèles, surprend particulièrement sur ce "scooter": du 17 pouces, c'est du jamais vu dans cette catégorie!
Caractéristiques proches d'une moto
Les dimensions (120/70-17 à l'avant, 160/60-17 à l'arrière) se rencontrent en effet plus fréquemment dans le monde de la moto. Restons au niveau des roues pour détailler le freinage, confié à l'arrière à un disque de 240mm pincé par un étrier simple piston, et à l'avant à un simple disque de 320mm ralenti par un étrier à trois pistons. L'Integra dispose d'un freinage couplé combiné à l'ABS. En actionnant le frein arrière (disposé, comme sur les scooters au levier gauche du guidon), l'effort est réparti entre l'étrier arrière et un piston de l'étrier avant, alors que la commande du frein avant agit sur les deux autres pistons de l'étrier avant.
Moteur atypique
Le bicylindre de 670cc présente des caractéristiques plutôt atypiques dans le monde du deux-roues, que ce soit moto ou scooter. Rien d'étonnant à cela puisque il dérive d'un moteur de voiture coupé en deux. Ceci explique sa longue course et son simple arbre à cames. Résultat: un moteur qui délivre sa puissance maxi (52ch) à 6250 tr/min et offre un couple de 62 Nm à 4.750 tr/min. La compacité attendue du bloc propulseur a nécessité le recours à des solutions techniques originales, comme l'échappement unique ou les injecteurs montés directement sur la culasse.
DCT
Le gros morceau de l'Integra se situe pourtant au niveau de sa transmission, une boîte de vitesses classique à six rapports munie d'un double embrayage, un système mariant en théorie le rendement d'une boîte manuelle avec l'agrément et la facilité d'une boîte automatique. L'Integra offre le choix entre trois possibilités: un mode "D" privilégiant une conduite détendue et économique, un mode "S" plus dynamique, ou un mode complètement manuel laissant au pilote le soin de passer lui-même les rapports. Notons qu'il est malgré tout possible d'intervenir manuellement dans les deux modes "auto", pour par exemple rétrograder et bénéficier de plus de frein moteur ou de meilleures reprises, ou passer au rapport supérieur, le mode auto restant sélectionné.
Go!
Notons enfin que même en mode normal, le calculateur garde la main pour éviter les surrégimes, ou rentre la première à l'arrêt. La prise en main de l'Integra ne déroute guère, malgré le positionnement plutôt atypique de l'engin. Les habitués des maxiscooters retrouveront immédiatement leurs marques. Tout au plus déploreront-ils la largeur du tunnel central et de la selle. Bien que d'une hauteur raisonnable, elle ne s'amincit guère sur l'avant, et facilitera peu la vie des plus "courts sur pattes" à l'arrêt. Contrairement aux autres scooters, pas question de démarrer en tournant la poignée de gaz une fois le moteur lancé: il faut d'abord sélectionner un mode de transmission! Ceci fait, l'Integra s'arrache à la première impulsion, sans "cirer" comme les varios des scooters classiques.
La ville
Sur un filet de gaz en mode "D", les rapports passent à très bas régimes, vers 2.500 tr/min. A très basse vitesse, les passages de rapports se font ressentir par de légers à-coups de transmission, soulignés par un discret "clong". Besoin d'un peu plus de "peps"? Il suffira de donner plus de gaz, et les régimes monteront d'autant avant de passer le rapport supérieur, délivreront de franches accélérations. En ville l'Integra est roi. Comportement sans reproche, maniabilité jamais prise en défaut dans la circulation, accélérations généreuses, freinage rassurant et facile à doser. Presque le sans faute, hormis le revêtement de selle glissant: à chaque freinage un peu appuyé, nous nous retrouvons les genoux contre le tablier, l'occasion aussi de constater que certains scooters (dont les BMW) offrent plus de place aux grands.
Les grands espaces
Continuons les critiques avec un tableau de bord certes lisible, mais plutôt avare en informations et nanti d'une jauge peu précise, des leviers non réglables et un compartiment sous la selle frustrant. RAS sur autoroute, où la belle allonge du train propulse rapidement l'Integra à 180 km/h pour nos voisins allemands, avec toutefois une bulle occasionnant quelques remous au niveau du casque. La route ne mettra pas plus l'Integra en difficulté. Nous abandonnerons bien vite le mode manuel, sans grand intérêt sur ce genre de machine, apprécierons le surcroît de réactivité du mode Sport, mais reviendrons bien vite au mode "D" largement suffisant dans la plupart des cas, en nous contentant d'intervenir de temps à autres avec les palettes pour forcer un changement de rapport.
Convaincant!
Le comportement de l'Integra bénéficie de sa filiation directe au monde de la moto avec un comportement précis et stable, mais particulièrement agile avec un train avant léger. L'accord des suspensions nous paraît malgré tout perfectible, avec des réactions trop sèches. Alors, convaincante la mutante? Oui, sans hésiter! Nous avons été très malheureux de rendre l'Integra à l'importateur, le comportement ne suscite de reproche en aucune circonstance, l'accord entre le caractère généreux du moteur et sa transmission nous enchante, en se montrant à l'usage bien plus agréable que le glissement d'un vario classique. En prime, et même si ce domaine reste très personnel, nous trouvons sa ligne particulièrement réussie. Ajoutons une finition soignée, comme Honda sait le faire, et un prix serré de 8.390€, et nous avons tous les ingrédients d'un succès annoncé, à condition de se fendre d'un top case et/ou de valises pour améliorer ses aspects pratiques!