« Light is right » ne cessait de répéter Colin Chapman. Pour cet ingénieur anglais fondateur de Lotus, le poids était une quasi-obsession. A tel point qu’il n’hésitait pas à déclarer que « Any car which holds together for more than a race is too heavy ». En bon français, cela donne « Une voiture de course qui ne tombe pas en pièces détachées sitôt la ligne d'arrivée franchie est trop solide, donc trop lourde ». Et il avait raison le bougre, à tel point que son nom résonne encore aujourd’hui comme un hymne à la performance. Et de performance, il en était bien question en cet après-midi d’octobre, aux alentours du Golf Château de la Tournette à Nivelles. C’est en effet là que le Lamborghini Gallardo Roadshow avait décidé de s’arrêter quelques jours au milieu de sa tournée européenne pour faire découvrir à quelques privilégiés, dont nous faisons partie, la nouvelle Superleggera.

Le règne du carbone

Et justement, Valentino, le pilote « maison » vient de garer la voiture devant moi. Extérieurement, cette version superlégère se distingue d’une « banale » Gallardo par une série d’éléments en carbone, dont l’imposant aileron fixe (en option) implanté derrière la vitre en plexiglas recouvrant le moteur. La nôtre est grise. Telesto Gray plus exactement, foncé et presque mat. Pratiquement la même teinte que les jantes spécifiques Scorpius sur lesquelles sont montés des enveloppes Pirelli P Zero Corsa.
Voilà, c’est à peu près tout en ce qui concerne les spécificités esthétiques de cette belle italienne. Du moins, c’est tout ce qui se voit à l’œil nu, car la Superleggera, qui pèse 100 kilos de moins qu’une autre Gallardo, recèle bien d’autres secrets. Notamment en ce qui concerne l’utilisation du carbone, qui ne se limite pas aux éléments visibles (rétroviseurs, panneaux de porte, aileron) mais se retrouve au niveau du diffuseur arrière et du fond quasiment plat de la voiture. Autant vous dire qu’il vaut mieux éviter les casse-vitesse trop méchants et utiliser le petit bouton permettant de soulever la partie avant de quelques centimètres.

Palettes au volant

Dans l’habitacle aussi, le carbone est roi. On le retrouve, en fonction des options, sur la console centrale ou au niveau des sièges baquets monocoque recouverts d’alcantara. La chasse au poids va même plus loin puisque, outre l’absence de combiné multimédia (tout de même disponible sur demande), les poignées de porte ont cédé leur place à de simples petites lanières en cuir. Par contre, on ne peut s’empêcher d’être étonné de retrouver des commandes Audi dans cet univers très exclusif. Pas de doute, Lamborghini appartient bien au groupe Volkswagen. Mais ne boudons pas notre plaisir au moment de sangler le harnais à quatre points de fixation (en option, sinon c’est une « vulgaire » ceinture de sécurité trois points). Le réglage du siège est manuel, tout comme celui du volant, qui permet de trouver une position de conduite quasiment parfaite. Seul problème, le passage de roue empiète dans l’habitacle et ne permet pas de caler le pied gauche suffisamment loin. Mais comme la Superleggera hérite d’office de la boîte ‘e-gear’, le pédalier ne comporte que deux poussoirs ce qui limite le souci de place. Il s’agit d’une transmission robotisée à mode séquentiel utilisable manuellement ou automatiquement. Les palettes sont fixées à la colonne de direction, derrière le volant. Aucun levier à la base de la console centrale : c’est les palettes, ou rien. Seul un petit bouton « A » permet de passer en mode automatique.

Deux dixièmes de gagné

Pour démarrer, il faut tourner la clé dans le contact. Ici, pas de bouton « start » pseudo-racing. La voiture est suffisamment sportive par nature pour se passer de ces artifices de grande série. Le V10 se réveille. Enivrant, envoûtant, sublime. Cinq litres de cylindrée, 530 chevaux à 8.000 tr/min et 510 Nm à 4.250 tr/min. Admission à distribution variable, système d’échappement à gestion électronique, distribution variable. Par rapport à une Gallardo « normale », la puissance a progressé de 10 chevaux, notamment grâce à une modification de la gestion électronique. Du coup, et grâce à sa cure d’amaigrissement, la Superleggera affiche un rapport poids/puissance stupéfiant de 2,5 kg/ch. L’exercice du 0 à 100 km/h gagne également 0,2 secondes dans l’aventure, et s’établit désormais à 3,8 secondes.

Docile

Bref, cette voiture est un monstre. Mais un monstre docile car les quelques kilomètres effectués pour sortir de Nivelles n’ont posé aucun problème. En mode auto, la boîte autorise une conduite toute en douceur, et le moteur se montre relativement discret sous les 3.500 tr/min. Par contre, au-delà, c’est carrément l’envolée lyrique. Les vitesses passent à la volée et l’aiguille du compte-tours joue au yoyo sur chaque rapport. La poussée est évidemment phénoménale, mais c’est le bruit du V10 respirant à pleins poumons, qui donne le plus de sensations. Radio inutile et frissons dans le dos garantis. Et à ce rythme, mieux vaut garder un œil sur le compteur. La Gallardo Superleggera est capable de pointer à 315 km/h, et croyez moi, il ne faut pas longtemps pour être au-dessus de 250 km/h.

Traction intégrale

Plus tranquilles, les petites routes du Brabant m’ont permis de constater qu’il est bien difficile de trouver un terrain de jeu idéal pour cette voiture (en dehors des circuits, bien sûr). Heureusement, les quatre roues motrices (30% du couple vers l’avant, 70% vers l’arrière, mais cette répartition est variable) permettent de se sortir de certaines situations périlleuses. Dans un autre registre, on peut aussi se contenter de se balader et de donner quelques coups de gaz bien sentis (le programme de rétrogradage est prévu pour), juste pour la frime. La voiture est d’ailleurs tellement belle et exclusive qu’elle n’engendre pas d’arrogance. Toutes les personnes croisées sur mon parcours d’essai semblaient en effet prendre autant de plaisir à regarder (et écouter) passer cette œuvre d’art que moi à la piloter.