Plantons d’abord le décor : ce festival motorisé se tient dans le sud de l’Angleterre. La fête commence dès la sortie du tunnel sous la Manche. Des voitures de sport venues de tous les pays du continent sortent du train en rugissant, direction Goodwood et la fameuse propriété de Lord March, qui organise un festival automobile déjanté dans son jardin.

À près de 70 ans, l’homme vit toujours sur le domaine avec sa famille, dans la somptueuse Goodwood House. Un week-end par an, ce manoir est entouré de milliers de gens et de centaines de voitures. Cette année encore, le Festival était quasiment sold-out du jeudi au dimanche, avec environ 200.000 visiteurs sur l’ensemble des quatre jours. Du monde mais pas de bousculade : le public est courtois et souriant. Femmes et enfants sont aussi présents en nombre. Un festival familial, qui fait la fête à la voiture depuis 1993, date de la première édition.

Un salon de l’auto à ciel ouvert

S’il ne rassemblait à l’origine qu’une petite communauté de passionnés, le Festival of Speed est désormais un événement de premier plan, où se pressent les plus grands constructeurs automobiles. Ils profitent de l’occasion pour présenter leur gamme et nouveautés dans un décor décalé et une ambiance de fête. BMW, Porsche, Lamborghini et bien d’autres érigent sur les pelouses de Lord March des stands multi-étages encore plus somptueux que ceux des plus grands salons internationaux.

Le public peut se frotter aux voitures, voire même parfois s’asseoir dedans. Pas dans toutes, bien sûr. On ne peut approcher les plus chics qu’un carton d’invitation à la main. Mais plusieurs constructeurs généralistes sont là aussi, dont beaucoup de chinois. MG était d’ailleurs le sponsor principal de l’événement. Cette ancienne marque british passée sous giron chinois fête cette année ses 100 ans et exposait la version de série de son roadster électrique Cyberster, ainsi que le prototype du coupé GTS. Il y avait aussi le nouveau SUV MG HS, à essence ou hybride plug-in.

Une mythique course de côte

Au-delà des stands automobiles, le public vient surtout pour voir et entendre les bolides de toutes les tailles et époques s’attaquer à la célèbre course de côte de l’événement. Cette « Hill Climb » se tient sur une fine bande de bitume de seulement 1,86 kilomètre de long, comptant 9 virages. Cette année, c’est Romain Dumas qui a signé le meilleur temps (43,98 secondes) au volant du Ford SuperVan 4.2 électrique de 1.400 ch. Mais ça reste loin du dernier record de vitesse, établi en 2022 avec 39,08 secondes. Ce record revient à Max Chilton sur la McMurtry Spéirling, une sorte de mini-batmobile électrique de 1.013 ch, ventousée au bitume grâce à une turbine ventrale.

Des F1 entre les ballots de paille

Si les monoplaces de Formule 1 ne sont plus chronométrées pour des raisons de sécurité, elles grimpent néanmoins pour le plaisir des yeux et des oreilles des spectateurs. Cette année, on était servi : pour fêter ses 20 ans, l’écurie Red Bull débarquait avec 20 monoplaces. Sept ont pris la piste, dont la RB16B Championne du monde 2021, pilotée par Max Verstappen en personne. McLaren, Ferrari, Williams et Alpine ont aussi apporté leurs monoplaces de F1, dont de très mélodieux anciens bolides à moteur V10 et V8 atmosphérique.

Les rois du Drift…

À côté de ceux qui montent proprement, d’autres grimpent à l’équerre, voire s’arrêtent en chemin pour quelques donuts enfumés, au grand plaisir d’un public médusé. Kalle Rovanperä a testé son équilibre au volant de la Toyota GR Supra Drift d’environ 1.000 ch. On a aussi apprécié le Toyota Stout, un vieux pick-up tuné et boosté à 600 ch. Dans le genre décalé, il y avait également la terrible et mélodieuse MADMAC de Mad Mike : une McLaren P1 très spéciale armée d’un moteur à turbine de 1.000 ch...

…et du délire

On ressent l’odeur des pneus brûlés à plusieurs dizaines de mètres de la piste. Ça ne semble pas offenser les narines de ceux qui sirotent un thé glacé sur les tables en teck près du stand Cartier, où s’organise chaque année un cours d’élégance pour voitures de prestige. A Goodwood, des mondes très différents se côtoient dans la joie… Ça se mélange aussi en piste : la Plymouth Superbird Nascar 1970 de Richard Petty a grimpé aux côtés de la Fiat S76 de 1911, surnommée « Beast of Turin » en raison de son colossal 4-cylindres de 28,4 litres de cylindrée ! Pour l’occasion, Richard avait filé la clé de la Plymouth à son fils pour grimper en passager dans la Fiat, chapeau de cow-boy vissé sur la tête. À Goodwood, on tient son chapeau bien en mains mais on ne se prend pas la tête... Les grands pilotes montrent qu’ils ont conservé une âme d’enfants, bien que les jouets soient devenus plus grands et plus bruyants.

Des supercars en pagaille

Les jouets, parfois ça casse… La Lotus Evija X électrique de plus de 2.000 ch s’est tordu le nez contre les ballots de paille à quelques mètres de la ligne de départ. Son burn enjoué a mal tourné. Certains parlent d’une électronique défaillante dans la gestion des 4 moteurs électriques. À voir…

Il y avait aussi bien sûr au Festival of Speed des supercars carburant toujours à l’essence. Red Bull a même dévoilé son RB17. Développée par Adrian Newey, cette hypercar en jette par son style et ses caractéristiques : ce bolide de 900 kilos s’arme d’un bloc V10 associé à un moteur électrique, pour une puissance cumulée de 1.200 ch. Cette Red Bull non homologuée pour la route ne sera produite qu’à seulement 50 unités et coûtera 5 millions de Livres, soit près de 6 millions d’euros...

Entre leurs montées et descentes de piste, on pouvait voir les supercars de près dans le « Supercar paddock ». Là, les petits enfants ouvraient des yeux vraiment très grands. C’est comme ça qu’on crée une génération de passionnés. Ces jeunes piqués par le virus automobile viendront assurément rêver pendant longtemps encore sous les fenêtres du manoir de Lord March. Pourvu que ça dure !