Ne cherchez pas, il n’y a rien à redire au charme dégagé par cette irrésistible Softail. Tout sonne juste, rien ne parait déplacé, "too much" ou juste à côté. Aucune Harley sans doute ne symbolise aussi bien tout l’héritage de la marque. Notre Softail, birch white et vivid black, sans doute la plus belle combinainaison possible parmi le vaste choix de couleurs disponible, attire tous les regards, bien campée sur ses pneus à flancs blancs montés sur des jantes en alu chromé à l'étonnant profil arrondi. Continuons à détailler la FLSTN en admirant les garde-boue "old school" très enveloppants et soulignés de chrome à leurs extrémités, le feu arrière «tombstone» renvoyant lui aussi à l’histoire de Harley-Davidson, le mythique réservoir orné de sa console, l’énorme phare chromé encadré par une paire de projecteurs additionnels, le discret porte-paquets prolongeant le siège passager.

Résurrection

Tout est pensé ici pour sublimer la ligne inimitable des plus belles Harley. Le style hard-tail de la famille Softail, qui partage le même cadre dissimulant les suspensions sous le moteur pour donner l’illusion d’un cadre rigide, participe à cette réussie évocation du passé. Elle évite avec talent les excès de la fourche Springer ou la faute de goût des pneus larges dont la plupart de ses sœurs hérite, se contentant d’une gomme étroite, un gage d’élégance et de maniabilité. La Softail Deluxe se contente du bloc 96B cubant 1573 cc, monté rigide dans le cadre, mais atténuant ses vibrations par l’apport d’arbres d’équilibrage. Apparue pour le millésime 2005 avec le bloc 88B de 1450 cc, la Softail Deluxe a disparu du catalogue pour le millésime 2009. Evoluant durant cette période par petites touches comme il est de mise à Milwaukee, elle hérita du bloc 96B en 2007, avec un couple passant de 102 à 120 Nm, toujours au régime de 3500 trs/min. Le millésime 2011 annonce un couple de 125 Nm, une capacité d’essence en légère augmentation (0,9 litre) et une hauteur de selle revue à la hausse, 670 mm au lieu de 622, ce qui la laisse malgré tout accessible au plus grand nombre.

ABS

Plus significatif, l’apparition de l’ABS, une avancée à laquelle nous ne pouvons que souscrire. Evolution aussi au niveau des commodos: inchangés en apparence, ils gardent l’ergonomie intelligente mais inusitée qu’on leur connaissait avec la commande des clignoteurs respectivement à gauche et à droite du guidon, mais le warning s’actionne dorénavant par un bouton séparé, comme l’appel des trips faisant successivement apparaître deux trips journaliers, l’autonomie, l’heure et l’indication du rapport engagé en même temps que le régime du moteur. Après avoir longuement détaillé et admiré la Softail Deluxe, nous lançons le V twin d’un coup de démarreur. Rien de nouveau ici pour qui a une expérience Harley: mêmes vibrations contenues du bloc équipé de deux balanciers d’équilibrage, même son sans doute trop étouffé pour cause de normes d’homologation sévères en Europe, ce qui justifie d’ailleurs la valve à l’échappement dont ne sont pas équipées les versions US, plus libres. Les commandes au guidon demandent toujours de solides "paluches", à cause d’un guidon d’un pouce de diamètre et de leviers non réglables.

Singularités américaines

L’onctuosité de la boîte se situe à des années-lumière des standards japonais, mais le levier à double branche s’actionnant de la pointe du pied et du talon facilite grandement la besogne. Continuons avec les commandes: le frein arrière est actionné par une large pédale facilement dosable, ce qui n’empêche pas l’ABS d’intervenir fréquemment, même sur le sec. Le levier de frein avant demande par contre beaucoup d’efforts pour obtenir un semblant d’effet. Ceci dit, les grosses Harley comme la Softail Deluxe nécessitent une participation importante du frein arrière, qui intervient pour une bonne part dans le ralentissement des 313 kg à sec de la bête. Et comme la belle américaine n’est pas du genre à être menée à la cravache, nous n’avons jamais connu l’angoisse d’un freinage en catastrophe. Mais, ne fût-ce que pour l’agrément d’un bon feeling et le ressenti d’un mordant plus franc, on aimerait bien qu’Harley revoie sa copie. Le bloc 96B se délecte des basses rotations et n’aime rien tant que ronronner aux environs de 2000 trs/min, de quoi cruiser aux vitesses légales sur un filet de gaz en regardant le paysage se refléter sur le cuvelage chromé des trois phares.

Le sans faute? Presque!

Les faibles débattements de suspension offrent un confort malgré tout acceptable, et le comportement sain de la moto fera regretter une garde au sol réduite menant régulièrement les confortables marche-pieds au contact du bitume. Au final, le seul bémol viendra de la position de conduite, perfectible. Le profil de la selle pousse le pilote quelques centimètres trop en avant, alors que le guidon est lui monté trop en arrière, avec au final une position peu naturelle et fatigante à la longue. La solution? Une selle et un guidon de Fatboy Special, et vous posséderez la plus belle et la plus désirable des Softails, celle avec laquelle vous voudrez parcourir la route 66 jusqu’en Californie! Ah oui, n'oubliez pas de prévoir un chèque oscillant entre 20.195 et 20.920 € suivant la couleur que vous choisirez…