Et de fait, la petite fait de l'ombre à la grande. Moins puissante, mais particulièrement agile et amusante à mener, la 675 Street se montrait en finale aussi attractive qu'une Speed, car moins exigeante. Les ingénieurs de Hinckley ont donc revu leur copie, sans pourtant changer les fondamentaux. Avec plus de 65.000 exemplaires vendus depuis 1994, le concept a en effet prouvé sa justesse et la nouvelle Speed ne renie rien de son passé. L'évolution esthétique le reflète parfaitement. La silhouette bien connue est préservée, avec son arrière trapu et dépouillé, sa double optique ou son cadre en alu sculpté autour du bloc trois cylindres. Tout semble pareil mais tout a changé. Si le cadre ressemble au précédent, il est pourtant entièrement redessiné avec une nouvelle géométrie.

Tout semble pareil…

La répartition du poids évolue aussi, avec le bloc moteur légèrement avancé et le déplacement de la batterie devant la boîte à air. L'objectif est clair: améliorer l'agilité et l'agrément de conduite, sans nuire à la stabilité. Tout ce travail bénéficie aussi au poids de la moto, réduit de trois kilos. La chasse aux masses superflues est omniprésente, comme pour les roues plus légères d'un kilo. Effets collatéraux de ce nouveau châssis, une garde au sol améliorée et une position de conduite plus sur l'avant, rendue plus confortable par la selle qui culmine à 820mm, plus bas que sur l'ancienne Speed Triple. Les suspensions font appel à Showa, avec une fourche inversée de 43mm et un monoshock pour le bras oscillant arrière. Tant l'avant que l'arrière sont réglables en compression et détente. Très beau matériel pour le freinage également, puisque nous retrouvons du Brembo avec à l'avant des étriers radiaux à quatre pistons et quatre plaquettes pinçant de disques de 320 mm amincis de 0,5mm par rapport à la génération précédente, histoire de réduire le poids non suspendu. Et grande première pour la Speed: elle peut enfin recevoir l'ABS!

… mais tout a changé!

Le moteur a moins évolué, ce qui ne l'empêche pas d'avoir été suffisamment retouché pour développer maintenant 135 ch obtenus à 9.400 tr/min, un gain de 5 ch, avec un couple de 110 Nm qui culmine à 7750 tr/min, en augmentation de 8%. Esthétiquement, et sans rien nier de son héritage, la nouvelle Speed évolue pourtant, avec en particulier – objet de toutes les discussions – un nouveau regard. Exit les deux phares ronds, véritable signature de la Triple, et place à deux phares en amande, plus profilés et plus efficaces. Personnellement, et au risque de passer pour un vieux réac, nous préférions les phares ronds plus sobres et tellement liés à l'image de la Speed.

Suivez ce regard

Triumph a préféré suivre une tendance à laquelle n'échappe aucun roadster en compliquant le regard de sa naked. La Speed rentre dans le rang. En gardant ses phares ronds, elle aurait pourtant fait preuve de plus d'originalité en étant quasiment la seule sur le marché à arborer ce regard. Cette "japonisation" du style s'étend aussi aux flancs, avec ses deux "sourcils" rapportés sur les côtés du radiateur, donnant à la Speed un petit gout de "tuning" qui ne nous paraissait pas indispensable et qui banalise la Speed face à ses concurrentes japonaises. Voilà, c'est dit! Les pots sous la selle sont reconduits, avantageusement remplacés par une ligne Arrow sur notre modèle d'essai, qui héritait dans la foulée d'un sabot moteur et d'un saute-vent assorti à la couleur de la carrosserie. Le dessus du réservoir est affublé d'un morceau de plastique noir, peu flatteur au vu de la finition par ailleurs soignée de cette moto.

Belle qualité

Nous avons déjà cité les suspensions Showa et les freins Brembo, ajoutons l'élégant guidon en alu à section différenciée, le maître cylindre de frein radial siglé Brembo lui aussi, le bloc instruments soigneusement intégré au saute-vent et nanti de nombreuses fonctions. Trop nombreuses sans doute que pour le rendre intuitif et convivial par l'entremise de ses deux boutons poussoirs, impossibles à manipuler en conduisant. On y trouve entre autres la température moteur, la jauge à essence, deux trips aux fonction multiples, un chrono, mais pas d'indication du rapport engagé. La Speed Triple possède une finition très soignée avec des matériaux et un accastillage de qualité, largement de quoi flatter l'égo de son propriétaire. L'agrément atypique distillé par le trois cylindres nous charme toujours autant, en réunissant le meilleur de deux mondes: le caractère rempli d'un twin avec l'allonge d'un quatre cylindres.

Entre deux et quatre

Le 1050 reprend avec franchise à tous les régimes, rendant la Speed tellement vivante et agréable à conduire de toutes les façons. Le châssis a énormément progressé en maniabilité, rendant la Speed bien plus ludique et facile qu'auparavant, avec une précision vraiment remarquable. La position de conduite optimisée rend le pilotage plus intuitif et rassurant, et c'est un plaisir d'emmener cette Speed sur les routes "qui le font bien", tant que le revêtement s'apparente à du billard. Les suspensions Showa n'acceptent guère les irrégularités et nos amis flamands qui possèdent encore pas mal de routes en dalles de béton seront à l'agonie sur celles-ci! Le freinage nous a ravi, avec un franc mordant et un excellent feeling à la poignée, avec aussi ce côté rassurant qu'apporte l'ABS en cas de ralentissement trop optimiste. Avec un châssis pétri de qualités et son moteur tellement attachant, la Speed remet les pendules à l'heure, éloignant la menace de sa petite sœur avec un comportement bien plus facile et efficace qu'auparavant. Le prestige de son nom et ses qualités intrinsèques devraient suffire à faire la différence avec des concurrentes plus consensuelles ou moins prestigieuses. Well done!